27 novembre 1849

27 novembre [1849], mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon grand Toto, bonjour, mon divin poëte, bonjour mon doux aimé, bonjour mon sublime amant, bonjour. J’ai rêvé de vous toute la nuit ce qui m’est ordinaire. Mais ce qui me l’est moins c’est que j’étais heureuse….. en rêve. Hélas ! même ce bonheur-là n’a pas duré longtemps et me voici réveillée et Juju comme devant. Mais enfin mieux vaut encore le bonheur en songe que pas du tout, du moins c’est mon avis et à ce sujet je vous dirai que si vous vouliez me rendre bien heureuse, sans bourse délier^a et sans ennui pour vous, ce serait de me donner à copier souvent, toujours serait encore mieux mais je ne veux pas vous effrayer. Je me contenterai de souvent. Allons, mon Toto, un peu de courage aux manuscrits vous verrez comme j’en serai reconnaissante. Oh ! que je voudrais avoir la permission de prendre au hasard dans tous vos sublimes gribouillis, quel admirable recueil je ferais. Malheureusement je n’ai pas la clef de vos coffres-forts et vous avez la faiblesse de vous laisser aller à une paresse indomptable, ce qui fait que ma prière d’aujourd’hui ne sera pas plus écoutée que toutes les autres et que vous ne me donnerez pas une ligne à copier d’ici à un hasard beaucoup plus rare que ma chance à la loterie. Cependant je vous préviens que je n’y renonce pas et que je vous rappellerai^b souvent la chose dans l’espoir que la scie, puisque c’en est une pour vous, finira par opérer et par vous faire prendre votre courage et vos manuscrits à deux mains et que vous me les apporterez à copier avec et sans calembour^c. D’ici là, je vous baise et vous rebaise au risque de me recopier dix cent mille millions de milliards de fois.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 333-334
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « déliée ».
b) « rappelerai ».
c) « calembourg ».