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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 octobre [1849] [1], mercredi matin, 7 h.

Bonjour, mon cher petit bien aimé, bonjour. Dors et tâche de rêver que tu m’aimes. Si tu savais combien il fait froid tu resterais dans ton lit toute la journée sans même risquer le bout de ton cher petit nez hors de tes couvertures. J’espère que ce n’est pas la présence de la mère Ledon qui t’a fait fuir si vite hier car alors ce serait plus qu’absurde. Ce serait tout bonnement un prétexte pour me quitter plus tôt. Mais je ne veux pas supposer d’aussi vilaines choses que cela, surtout après les bonnes et tendres paroles que tu m’as dites avant-hier au soir. J’aime mieux croire que tu étais pressé de rentrer chez toi, mon pauvre adoré, ce qui n’est que trop légitime après les séances si longues, si fatigantesa et presque toujours si fastidieuses de l’assemblée. Aussi, mon ravissant bien-aimé, je n’ai pas insisté pour te retenir pour ne pas retarder plus longtemps ton repos et ton dîner. La mère Ledon ne demandait pas mieux que de te céder la place et moi je la lui aurais très bien fait vider si j’avais pu espérer te conserver une minute de plus c’est que je t’aime avant tous les ménagements donjuanesquesb et je ne me priverais pas UNE minute de bonheur de te voir pour aucune Madame Dimanche ni pour les petites dimanchettes.

Juliette

Collection particulière / MLM / Paris, 65303 0068/0070
Transcription de Gérard Pouchain

a) « fatiguantes ».
b) « donjouanesques ».


10 octobre [1849] [2] midi

Je suis prête et archi prête, mon petit homme, et je vous attends mèche allumée. Il faudra que je prenne sur moi de rester à la maison pendant quelques jours pour faire rentrer du bois, poser mes tapis et autres arrangements intérieurs indispensables pour cet hiver. Il faut encore que j’aille à Saint-Mandé lundi prochain au plus tard [3]. J’attendrai jusque-là parce que c’est le jour où je suis tout à fait sûre de trouver M. le curé chez lui. Il serait nécessaire aussi que je restasse chez moi pour me raccommodera car je suis en loques. Bientôt je n’oserai plus me montrer ni au-dedans ni au-dehors. Mais à qui est-ce que je compteb mes peines, mon Dieu, à un affreux Toto cynique qui se fait un jeu de ma misère et qui se moque de mes guenilles comme un vrai sans-cœur

2ème 10 octobre [1849] mercredi

qu’il est. Mais que je gagne le gros lot de la loterie nationale et il verra quelles culottes de toutes couleurs et de toutes qualités je m’administrerai à son nez et à sa barbe. En attendant il faut que je traîne la savate pour mieux dissimuler mes affreux projets de vengeance. Voime, voime vous verrez ce que je vous léguerai dans ma succession, voime, cela ne vous fera pas mal au pied si par hasard cela tombe dessus. Taisez-vous, monstre d’homme, et donnez-moi beaucoup de choses si vous ne voulez pas que je vous déshérite. En attendant, je vois que vous ne viendrez pas avant deux heures au plus tôt ? À vrai dire je m’y attendais et j’ai le bon esprit de ne pas vous en vouloir. C’est bien assez que je m’en camoufle intérieurement sans vous en faire souffrir injustement. Mon Toto je t’aime ne l’oublie jamais.

Juliette

Collection particulière / MLM / Paris, 65303 0012/0015
Transcription de Gérard Pouchain

a) « racommoder ».
b) « comptes ».

Notes

[1Indication pour la datation : cette lettre comble une lacune du fichier BnF de 1849. En 1838, Juliette n’écrit jamais si tôt le matin.

[2Indication pour la datation de la lettre : le 14 octobre, elle va voir le curé de Saint-Mandé (voir lettre ci-dessus).

[3Sa fille Claire Pradier, morte en 1846, est enterrée au cimetière de Saint-Mandé.

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