Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1854 > Mars > 17

17 mars 1854

Jersey, 17 mars 1854, vendredi, midi ¼

Ma franchise menace de me coûter cher, mon cher petit homme, car je te vois décidé à te trouver le moins possible dehors avec moi. Du reste je m’y attendais ; mais tel est le scrupule de ma conscience que je n’ai pas voulu te cacher un seul mot de ce qui pouvait me nuire au risque de perdre en une seule confidence tous les rares moments de bonheur que tu pourrais me donner dans l’avenir. Malheureusement je crains que le sacrifice que tu m’imposes ne remédie à rien, au contraire, les lâchetés de ce genre avancenta d’autant plus sur soi qu’on a l’air de reculer devant elles. Après cela je me trompe peut-être, mon opinion n’étant pas tout à fait désintéressée. Dans tous les cas je me soumets car en somme rien ne peut prévaloir sur ta tranquillité personnelle.
Je ne sais pas si j’aurai le cœur de sortir tout à l’heure ; j’ai grand peur que non car je me sens une paresse invincible. Cependant j’y essaierai ne fût-ceb que pour ne pas paraître absurde aux yeux de M. Barbier.
Je ne sais pas comment achever ce restitus, mon trop aimé, car je le trouve beaucoup trop grand pour mon insignifiante vie et infiniment trop petit pour contenir tout mon cœur. Entre ces deux inconvénients, ma pensée et mon instinct voudraient s’abstenir mais la force de l’habitude l’emporte, ce qui fait que je continue mon gribouillage jusqu’au bout. Si je ne sortais pas aujourd’hui je me mettrais à copier les vers que tu m’as donnés il y a huit jours et dont je ne t’ai pas parlé tant je suis à court de formules admiratives. Tout ce que je veux te dire c’est qu’il me semble que je t’aime encore plus à chaque beauc vers de toi que je lis. Illusion d’optique de mon âme mais qui remplit mon d’esprit d’éblouissement et mon cœur d’adoration.

Juliette

J’ai l’esprit, le cœur et l’âme tiraillés en tous sens, mon cher petit homme, aussi ma raison, mon courage et mon bonheur ont beaucoup de peine à se tenir en équilibre au milieu de ce tourbillon d’affaires, de craintes et d’amour rentré. Il me semble que ta visite au banquier se prolonge au delà du temps nécessaire même à fabriquer de la fausse monnaie. Ah ! te voilà !

BnF, Mss, NAF 16375, f. 105-106-107
Transcription de Chantal Brière

a) « avance ».
b) « fusse ».
c) « beaux ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne