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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 décembre [1845], lundi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon cher petit Toto, bonjour, mon cher petit bien-aimé adoré, bonjour, mon Toto ravissant, bonjour, mon cher petit homme de mon cœur, bonjour, comment vas-tu ce matin ? As-tu pensé à moi ? As-tu rêvé de moi ? M’aimes-tu ? Moi je pense à toi, j’ai rêvé de toi, je t’aime, je te désire, je t’attends et je t’adore. Je me suis réveillée à 6 h. du matin pour Claire et j’ai eu toutes les peines du monde à me rendormir. Aussi je suis aussi grimaude ce matin et aussi frileuse qu’hier au soir. Je grelotte comme un pauvre chien de chasse malade. Cela se passera, j’espère, quand j’aurai déjeunéa. Mais toi, mon pauvre petit homme, comment vas-tu ce matin ? Tu dois avoir bien froid dans cette chambre qui n’est jamais chauffée ? Tu as tort de pousser aussi loin le mépris de l’hygiène et du bien-être. À ta place, je voudrais avoir toujours du feu chez moi si ce n’était pour mon plaisir, au moins pour ma santé. Je crains que tu ne te ressentesb plus tard de cette dureté envers toi-même. Tout ce que je te dis et rien, c’est la même chose. Tu n’en tiens pas le moindre compte et tu n’en continueras que de plus belle à geler dans ta chambre quelque brouillard et quelque froid qu’il fasse. Si vous m’aimiez, vous m’obéiriez aveuglément et tout serait pour le mieux. Mais vous êtes un féroce Toto qui n’écoutez rien. Taisez-vous, vous n’êtes pas très drôle. Baisez-moi, cela vaudra mieux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 229-230
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « j’aurai déjeuner ».
b) « tu ne te ressente ».


8 décembre [1845], lundi soir, 4 h. ½

Tu es gentil, mon Toto, je t’aime. Seulement tu ne sors pas et tu ne rentres pas assez souvent ou plutôt tu sors trop et tu ne rentresa pas assez, voilà ce que je veux dire. Cependant je n’ai pas le droit de grogner aujourd’hui, au contraire, car tu es venu deux fois tout de suite. Mâtin de sien, je suis ri [1]. Et le grand Turc n’est pas mon cousin, même à la mode de mon pays [2]. Vous voyez que je suis geaie, mon amour, grâce aux deux apparitions que vous avez faites dans mon logis. Que serait-ce donc si vous y veniez passer une journée toute entière y compris la NUIT ? Je n’ose pas y penser, car cela ferait FRÉMIR probablement. Je serai déjà bien heureuse si vous venez tout à l’heure griffouiller chez moi. À propos, le lampiste m’a fait cadeau d’un verre CASSÉ en attendant qu’il fasse venir de Baccaratb d’ici à douze ou quinze jours. Dès que je pourrai me chauffer, j’irai tout bonnement changer cette effrayante mécanique contre la première patraque venue. Seulement je crains que cet homme, qui me paraît un double fripon, ne nous attrapec encore indignement. Il faut espérer pourtant que cette mystification prolongée aura une fin. J’ai écrit à Dabat pour le presser. Et puis je t’aime, et puis je t’attends, et puis je te baise, et puis je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 231-232
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu ne rentre ».
b) « Bacarach ».
c) « attrappe ».

Notes

[1Pour « mâtin de chien ». On ne comprend pas « je suis ri ».

[2Juliette est originaire de Bretagne.

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