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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 octobre [1845], dimanche matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon petit Toto bien aimé, bonjour, mon cher amour adoré, bonjour, mon bonheur, bonjour, bonjour, je t’aime. Tu as joliment bien fait de revenir hier au soir. Tu vois que cela nous as porté bonheur. Je m’étais couchée assez tristement en pensant que mon bête de pied m’avait empêchée de t’accompagner. J’avais le cœur gros du souvenir du petit nuage qui s’était élevé entre nous par un malentendu. Tout cela n’était pas fait pour me donner des idées bien gaies. Heureusement tu es venu dissiper tous ces ennuis et me donner du courage et de la confiance, deux choses dont je manque souvent. Merci, mon Victor chéri, merci, tu m’as rendue bien heureuse. Et toi ? Toi, mon Toto adoré, as-tu été bien heureux aussi de ton côté ? Te voilà [désensorcelé  ?]a. Il faut convenir, mon cher petit, que vous êtes par trop impressionnable. Aussi une autre fois je ne rirai plus avec vous. Ce sont des plaisanteries qui me coûtent trop cherb. Baisez-moi, mon cher petit vaillant, baisez-moi encore, baisez-moi toujours, je le veux. Je tiens beaucoup à ce que ce soit toi qui achètec ces billets. Je ne veux accepter le bonheur me venir que de toi. C’est une idée que j’ai comme cela. Vous savez, mon ami, que les femmes ont des idées [1] .......d quelquefois. Que je vous voie, pôlisson, me dire des sottises, je vous ficherai des coups.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 55-56
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « [désençorlé  ?] ».
b) « trop chers ».
c) « achètes ».
d) Sept points interrompent la phrase.


19 octobre [1845], dimanche soir, 5 h. ¾

Vous m’avez donné un fameux renseignement sur la soumission aveugle. Je prétends en profiter et n’être stupide qu’à mon corps défendant. Dorénavant ma soumission aura les yeux très écarquillés, je vous en préviens, et si elle n’y voita pas clair, ce ne sera pas de ma faute. Soir, Toto, soir, mon petit o, je vous remercie du petit avis désintéressé que vous m’avez donné tantôt. J’en userai dans l’occasion. J’ai vu Clémentine tantôt. Je viens de voir Mlle Féau tout à l’heure. Je lui ai demandé ma note. Il paraît qu’elle ne ferme sa boutique qu’à dix heures et demie. C’est très bon à savoir pour le cas où tu voudrais m’emmener à L’AVENIR. Je regrette d’avoir manqué l’occasion que tu m’offrais l’autre soir. Une autre fois je serai moins scrupuleuse et je ne craindrai pas de gêner et d’ennuyerb les gens. Hier mon pied ne m’aurait pas permis d’aller jusque chez Génevoy. Il y a des moments où j’en souffre plus les uns que les autres et où il me serait impossible de marcher longtemps comme hier au soir, par exemple. Je ressemble aux gensc qui font du monologue en scène et qui se racontent leur propre histoire pour l’édification du public. Moi je me raconte mes trente-six infortunes sans avoir même le prétexte de t’apprendre quelque chose. C’est encore moins drôle. Mais je t’adore, voilà ce que tu ne sauras jamais assez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 57-58
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « elle n’y vois ».
b) « d’ennuier ».
c) « au gens ».

Notes

[1Citation d’Angelo, tyran de Padoue, Journée III, Partie I, scène 7. Catarina répond à Rodolfo : « C’est une idée que j’ai. Mon ami, vous savez bien que les femmes ont des idées. »

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