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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 octobre [1845], vendredi matin, 8 h. ¾

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, mon Toto, bonjour, mon cher petit [de femmes  ?]a, comment allez-vous ce matin ? Pensez-vous à moi seulement ? Je suis sûre que non. Dès que je ne suis plus là, vous m’oubliez, ce qui fait que vous ne pensez pas à moi souvent. Moi c’est tout le contraire, je pense et je m’occupe de vous toujours. J’ai déjà fait battre et brosser votre fameux paletot. Ce qui est sortib de poussière et de petites crottes noires de cette pelure est incroyable même en le voyant. Tout à l’heure je passerai dessus avec le savon et l’eau de Cologne. Ensuite j’y mettrai Eulalie qui n’aura pas fini demain plus que probablement. Après tout cela je doute fort que ce soit fameux mais j’aurai fait humainement tout ce qu’on peut faire pour métamorphoser une guenille de poète en haillon de pair de France.
Je ne sais pas si tu viendras dîner mais dans tous les cas, je viens d’envoyer au marché. Si tu ne venais pas, mon Toto, je serais bien triste et bien malheureuse, car nous n’avons plus que très peu de jours à pouvoir vivre ensemble et si tu m’en retranchesc un seul, ce sera un vrai chagrin pour moi. J’espère que Charlot aura affaire à Paris et que tu l’accompagneras. C’est sur cette chance que je compte pour te voir ce soir. En attendant, je vais chercher dans mes chiffons de quoi restaurer votre machin. Je ne sais pas encore ce que je trouverai. Je crains de ne rien trouver du tout et d’en être ridicule à le CORMODER avec le bout de mon NEZ, ce qui serait une fâcheuse extrémité. Baisez-moi, vilain monstre, vous ne savez pas ce qu’il faut de VERTU et de COURAGE pour toucher seulement du bout des doigts aux vieux habits d’académicien.

BnF, Mss, NAF 16361, f. 47-48
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) Un demi-cercle est tracé ici, haut de trois lignes.

© Bibliothèque Nationale de France


b) « est sortie ».
c) « tu m’en retranche ».


17 octobre [1845], vendredi soir, 10 h.

Je ne veux pas mériter ce soir le reproche bien doux et bien injuste que tu m’as fait tantôt, mon bien-aimé, c’est pour cela que je t’écris avant de me coucher. D’abord j’ai à te remercier de la charmante soirée que tu m’as donnée aujourd’hui et qui compte au nombre des plus heureuses de toutes celles que nous avons passées ensemble. La promesse que tu m’as faitea de dîner avec moi dimanche prochain me comble de joie. C’est si bon, si doux, si charmant et si ravissant de passer des heures et des soirées entières avec toi que l’espoir d’un bonheur comme celui-là me remplit le cœur de plaisir et de joie. Je voudrais déjà y être.
Je viens d’écrire à Mme Triger de ne pas venir. Je te vois trop peu souvent pour te partager avec n’importe qui que ce soit. Aussi je viens de lui dire de me garder sa bonne volonté pour quand je serai seule. Mon Victor chéri, mon amour, ma vie, mon âme, je t’aime, je suis heureuse, tu le vois bien, n’est-ce pas ? Je ne veux pas penser que ce bonheur aura une fin prochaine. Je ne veux pas troubler le bonheur parfait que je goûte à présent par la pensée qu’il n’a plus que quelques jours à durer. Je veux me faire illusion jusqu’à la dernière minute afin de n’en pas perdre une goutte. Je veux être heureuse sans aucune triste prévision. Je te baise et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 49-50
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu m’as faites ».

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