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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 septembre [1845], samedi matin, 8 h.

Bonjour, mon aimé, bonjour, mon adoré [plusieurs mots illisibles], bonjour, mon pauvre petit souffrant, bonjour, mon pauvre cœur triste, bonjour, comment vas-tu ce matin ? Je vais bientôt te voir, mon cher petit homme, pourvu que tu ne sois pas plus souffrant qu’hier [1]. Peut-être ces voyages te fatiguent-ils beaucoup ? Il y a toujours un mouvement de va-et-vient qui doit fatiguer les entrailles. Peut-être aurait-il fallu les bains de mer ? Je me reproche à présent de ne t’avoir pas prié assez de les prendre. Non seulement tu n’en asa pas pris, mais je crois que tu n’en prends pas d’autres depuis qu’on est à Villequier ? C’est une grave imprudence si cela est, puisque M. Louis jugeant que c’était nécessaire. Je sais bien que tu n’as pas le temps, c’est ce qui me fait regretter encore plus vivement que tu ne sois pas aller prendre les bains de mer parce que tu aurais été forcé d’avoir le temps de te soigner. J’ai bien mauvaise grâce maintenant à te dire cela, je le reconnais. C’est quand il était encore temps qu’il aurait fallu que j’insistasse de toutes mes forces pour te décider à le faire. À présent, mes regrets sont inutiles et ne servent qu’à me faire sentir combien j’ai été égoïste et imprudente en ne pensant qu’à moi dans ce moment-là. Si tu vas mieux ce matin, je serai moins tourmentée. Mais s’il faut que je revoie encore ton beau visageb triste et souffrant, je ne sais pas ce que je me ferai. Mon Victor adoré, je t’aime trop, je le sens aujourd’hui plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 246-247
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu n’en a ».
b) « tout beau visage ».


6 septembre [1845], samedi soir, 5 h.

Quel être stupide et insupportable je fais, mon amour, et combien il faut que tu aies de bonté, du reste, pour ne pas me rouer de coups depuis le matin jusqu’au soir. Je t’ai encore laissé partir tantôt sans penser à te faire baigner tes pauvres yeux. Vraiment je me serais battue tant j’étais furieuse contre moi. C’est d’autant plus fâcheux que [tu n’es  ?] pas homme à revenir sur tes pas. Tu te croirais déshonoré pour le moins si cela t’arrivait une seule fois. Tu aimes mieux faire souffrir tes pauvres beaux yeux. À nous deux nous sommes bien spirituels mais il faut le dire vite pour ne pas se tromper. À propos de tromper, je crois que tu m’as fait cuire mon gigot vingt-quatre heures trop tôt ? Il est plus de cinq heures et personne n’est encore arrivé, ce qui me fait croire que nous nous sommes trompés sur le jour. Ce sera un très petit malheur, du reste, et on en sera quitte pour manger le gigot froid demain. Voilà tout. J’ai bien un autre désappointement, ma foi. Ma robe, ma fameuse robe, celle qui devait dans ma pensée te faire pousser des cris d’admiration, est indignement ratée. Je l’avais mise dimanche mais j’étais très souffrante et je ne me suis même pas donné la peine de la regarder. Mais aujourd’hui.....a [plusieurs mots illisibles] Damnation ! Je suis furieuse. Je ne sais pas si cela pourra s’arranger, mais pour le moment, je suis furieuse. C’est bien fait, cela m’apprendra à vouloir faire du tort à ces pauvres enfants en les privant d’aller indéfiniment à Villequier. Tantôt pendant que je te donnais ces lâches et perfides conseils, j’avais honte de ma mauvaise action. J’en reviens toujours à mon dire : je t’aime trop. Baise-moi, mon Toto, pardonne-moi et aime-moi, et tâche de venir tout à l’heure.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 248-249
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) Cinq points de suspension.

Notes

[1Victor Hugo a dit à Juliette être allé à Villequier le jeudi 4. Il est revenu le vendredi 5 septembre au soir. À sa femme, il écrit qu’il est resté à Paris. En a-t-il profité pour rendre visite à Léonie Biard ?

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