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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 août [1842], dimanche matin, 9 h.

Bonjour mon cher adoré, bonjour mon pauvre petit chiragre [1]. Bonjour mon pauvre rat empoisonné. Comment vas-tu ce matin, comment va ton petit garçon [2] ? Je te dis tous les jours la même chose, je n’aurai qu’un liard. Mais c’est qu’aussi vous êtes tous les jours blaireux, et podagre [3], et chiragre comme des VIEUX VIEILLARDS de quatre-vingt-dix ans. Vous devriez bien vous dépêcher de vous guérir mes deux jeunes amis afin que je puisse varier un peu ma phrase quotidienne et vous dire autre chose que des plaintes et des doléances sur des maux trop réels et trop prolongés.
Est-ce que tu es obligé de faire ton traitement chez toi, mon cher adoré ? Si cela était je serais bien heureuse, pour peu qu’il dure trois ou quatre mois, ainsi que tu me le disais hier. Il ne me manquerait plus que ce petit incident pour achever de me rendre la vie bien agréable. Où que je te verrai je m’en assurerai. Il est vrai que, fidèle à ton système de précaution, tu ne me le diraisa pas. Décidément je suis une Juju bien heureuse. Mais je ne vais pas me plaindre dans ce moment-ci, mon pauvre bien aimé, parce que ce n’est pas ta faute et que tu souffres. La seule grâce que je te demande, c’est de venir de bonne heure me dire comment tout ça va et me donner l’occasion de baiser ta chère petite menotte CHIRAGRE. En attendant, je me résigne comme je peux. Et ce que je peux ne m’empêche pas d’être très impatiente, très triste et très tourmentée. Je baise toute ta chère petite personne adorée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 53-54
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « dirai ».


14 août [1842], dimanche après-midi, 1 h.

Il paraît, mon cher ange, que le perruquier me fait faux bonda encore aujourd’hui. Il faudra décidément que je me fâche et que je montre les grosses dents car je trouve ce genre un peu trop sans gêne. En attendant, me voilà avec la perspective d’un bonnet sur ma tête toute la journée et par une journée de canicule. Enfin il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher. Je me moquerais que de reste de cette contrariété si j’avais l’espoir de passer toute la journée avec toi. Mais avec la certitude d’être parfaitement seule, et avec la crainte que tu sois plus souffrant ou plus tourmenté pour ton enfant, ça n’est pas fait pour me donner de la patience. Quand te verrai-je mon Toto ? Quand saurai-je comment vous allez tous ? Pense à moi, mon Toto. Aime-moi. Viens me voir, dépêche-toi. J’ai mal à la tête, cela va sans dire. Je suis très mal à mon aise et par dessus le marché très contrariée. J’aurais besoin d’un peu de bonheur pour me remettre un peu. Il n’est pas probable qu’il m’en arrive aujourd’hui. Enfin pourvu que tu ailles mieux et le petit garçon aussi je me croirai trop heureuse. Jour Toto. Jour mon petit o. Vous devriez bien me rabibocher cette nuit de ma fichue journée d’aujourd’hui. Tâchez donc mon petit bien-aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 55-56
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « bon ».

Notes

[1Chiragre : personne qui souffre de goutte aux mains, ce qui est le cas de Victor Hugo.

[2François-Victor Hugo se remet d’une grave maladie pulmonaire.

[3Podagre : personne souffrant de goutte aux pieds.

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