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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 mai 1845

9 mai [1845], vendredi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon cher Victor chéri, aimé et adoré, bonjour. Comment vas-tu ce matin ? Comment va ton pied ? Comment va ton cœur, m’aimes-tu ? Moi, je t’aime de plus en plus. Si cela vous gêne, j’en suis fâchée, mais je n’y peux rien changer. J’ai fait des rêves atroces cette nuit. Je ne sais pas si ce sont des avertissements, mais je sais que ce sont des rêves bien hideux et bien biscornus. Il faudra que je mette ordre à cela en vous surveillant de près. Je n’ai pas besoin que vous me fassiez des tours atroces pour être la plus malheureuse des femmes. J’ai déjà beaucoup trop de vos pairies, de vos académies et de tout ce qui s’ensuit pour me faire enrager. Aussi je veux faire comme les moignieaux. Je veux défendre ma queue envers et contre toutes les chances qui seraient tentéesa de me la tirer. Voilà, mon Seigneur. Si cela vous contrarie, j’en suis fâchée, mais c’est un parti pris. Baisez-moi et aimez-moi ou la mort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 153-154
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tenter ».


9 mai [1845], vendredi après-midi, 3 h. ½

Quel bonheur, mon Toto, tu dîneras avec moi, j’en suis transportée de joie. Je ne veux pas me la gâter en pensant que tu t’en iras probablement tout de suite après. Je veux me faire illusion et être heureuse comme si j’étais sûre de passer toute la soirée avec toi : quel bonheur !!! J’ai passé toute ma matinée à visiter mon jardin. J’ai épluché mes fraisiers, sarclé mes pieds d’alouettes et mes lupins. J’ai extirpé et rejeté avec dédain le navet plébéien et le cerfeuila vulgaire dont mon jardin était envahib. Il paraît que les gens qui l’avaientc auparavant y faisait pousser toutes sortes de légumes. Je ne les blâme pas, tant s’en faut, mais maintenant que mon jardin est passé à l’état aristocratique, je dois veiller avec soin à ce que rien de commun ne s’y introduise. Du reste, ce jardinage m’a pris le meilleur de ma journée, ce qui fait que je ne me suis pas habillée, ni frisée. Je sais que tu ne tiens pas à cela, c’est ce qui fait que je n’y attache pas moi-même d’autre importance. Aussi, mon Toto, quand tu viendras, tu me trouveras en négligé, mais en grande fête et en grande parure de joie et de bonheur dans le cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 155-156
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « le cerfeuille ».
b) « envahie ».
c) « qui l’avait ».

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