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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 avril [1838], vendredi matin, 11 h.

Bonjour cher petit bien-aimé, bonjour cher petit homme adoré. Il fait bien noir et bien froid. Vous auriez bien dû vous montrer, mon beau soleil, pour me réjouir et me réchauffer l’âme. J’ai mal à la tête, selon ma louable habitude. Cependant j’ai beaucoup marché hier. Décidément il me faut encore autre chose… pour m’empêcher d’avoir mal à la tête. Toto mon ami, dis-moi un peu, une question : qui est-ce qui t’aime de toute son âme ? Je ne sais pas, répondit Toto. Je le sais, moi, répondit Juju : c’est moi. Je t’aime ! phame ! phame ! Je voudrais à mon tour savoir une question : pourquoi vous ne venez plus auprès de moi prendre les quelques heures de repos que vous prenez chez vous ? Je ne peux pas m’expliquer ce nouveau système d’une manière satisfaisante pour notre amour. J’y vois de l’indifférence pour un bonheur qui était autrefois le premier et le seul de tes besoins. Je suis triste, mon amour, quand j’y pense. Si tu m’aimes bien comme dans le commencement de nos amours, pourquoi agis-tu comme si tu ne m’aimais plus du tout ? Mon pauvre bien-aimé, rends-toi compte de tes habitudes depuis plusieurs mois et dis-moi ce que tu en penserais à ma place ? Je suis triste parce que je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 84-85
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain


27 avril [1838], vendredi soir, 5 h. ½

Je ne bougonne pas, je ne grogne pas, je ne mouzonne pas, je vous aime. Je savais très bien, mon cher petit homme, que vous ne viendriez pas me faire sortir malgré vos promesses. J’ai la clef de vos promesses à présent. Je sais que lorsque vous dites je vais revenir tout de suite, cela veut dire que vous serez douze heures absent ! Jourdain a envoyé chez moi son ouvrière tantôt pour me dire qu’il viendra demain de 2 à 3 h. Comme il est un peu dans votre genre, je n’y ajoute que très peu de foi. Jour Toto, jour mon petit Toto. Je suis rouge comme un coq. Le feu et le mal de tête me donnenta cette couleur coquelicot. Je vous aime mon Toto. Ça vous est égal et même cela vous ennuie. Je voudrais trouver un moyen de me défaire de cette bête de passion qui ne sert qu’à vous importuner, à vous fatiguer et à me rendre la plus malheureuse des femmes, mais je ne peux pas jusqu’à présent en venir à bout. Plus je fais d’effort pour m’en sortir et plus je m’enlise dans cet amour qui finira par m’engloutir tout à fait. Bonsoir mon Toto, pardonnez-moi mes jérémiades et tâchez de me raimer si c’est possible, ce que je n’espère pas. En attendant ne crevez pas trop vos yeux et laissez-moi vous adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 86-87
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

a) « donne ».

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