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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 avril 1845

30 avril [1845], mercredi matin, 8 h. ¾

Bonjour, mon petit Toto bien aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour, mon âme, bonjour, ma joie, bonjour, je t’aime. Je me souviens de toutes les douces paroles que tu m’as dites hier et je suis heureuse et je baise tes adorables petites mains. Je te souris, je t’aime, je t’adore.
Il fait un temps charmant aujourd’hui. C’est un regret de plus de ne pouvoir pas en profiter avec toi. Quand tu seras un peu sorti de cette presse excessive, je te demanderai à mains jointes de me donner une journée toute entière d’air, de soleil, de bonheur et d’amour. Tu ne sais pas, mon Victor, combien tout mon être a besoin d’une bonne journée comme celle que je te demande. J’ai fait preuve d’un grand courage et d’une grande résignation tous ces temps-ci, mon adoré. C’est une justice que je me rends sans fausse modestie, car je sais ce que cela m’a coûté et combien j’ai souffert. Je te suppliea de m’en récompenser par une journée de joie et d’extase. Je ne te tourmenterai pas. J’attendrai que tu sois hors des plus grosses et des plus pressées de tes affaires. Pourvu que tu me le promettes bien sérieusement, j’attendrai avec courage et patience. En attendant, il faut tâcher de ne pas me laisser des journées tout entièresb sans te voir. C’est trop triste et trop difficile à supporter. Si tu viens aujourd’hui comme je le désire et comme je l’espère, tu m’écriras sur mon premier volume du Rhin [1]. J’étais trop lourde et trop endormie cette nuit pour te le demander, mais je ne t’en ferai pas grâce tantôt, non plus que des baisers que je te garde.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 115-116
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je te suplie ».
b) « tout entière ».


30 avril [1845], mercredi soir, 10 h. ¼

Mon petit bien-aimé, n’oubliez pas que vous m’avez promis de revenir ce soir. Je compte sur votre promesse, mon amour. Quand il s’agit d’espérer vous voir, je ne peux pas m’empêcher d’y compter malgré toutes les déceptions passées.
Tu avais donc quelque part à aller ce soir, mon Toto, que tu m’as demandé des épingles d’acier pour attacher ton ruban ? J’y pense maintenant et je tremble que tu ne viennes pas. Mon assurance de tout à l’heure s’évanouit devant cette crainte. Si tu ne viens pas, mon Victor, je dormirai mal et je commencerai ma journée demain tristement et sans le moindre goût à rien. Voilà déjà si longtemps que je mets mon courage à contribution qu’il ne m’en reste plus du tout. Pourvu que tu viennes, mon Victor adoré. Je vais regarder la pendule maintenant de seconde en seconde pour savoir quand je devrai perdre l’espoir de te voir.
La mère Lanvin est restée avec moi jusqu’à dix heures. Tout le temps que nous avons passé ensemble a été employé à faire l’éloge de ta bonté sur tous les tons. Cette pauvre femme est bien reconnaissante de tout ce que tu as fait pour elle et pour sa famille. Elle le sent profondément, je t’assure. Pauvre bien-aimé adoré, tu es la providence des grands et des petits, des bons et des pires, tu es le meilleur des hommes, je t’adore. Si tu pouvais voir dans mon cœur comment tu y es admiré, honoré, vénéré et adoré, tu en serais bien fier et bien heureux, tout grand et tout sublime que tu es.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 117-118
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1La première édition du Rhin (1842) était en deux volumes. La nouvelle édition augmentée, publiée le 3 mai 1845, est en quatre volumes. Soit Juliette Drouet souhaite que Victor Hugo lui écrive sur le premier volume de la première édition, soit elle souhaite qu’il lui écrive sur le premier volume de la deuxième édition.

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