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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 avril [1845], lundi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon Toto, bonjour, mon Toto. Ouf, je devrais en rester là, car j’ai le cœur plus gros que la tête dans ce moment-ci et il est probable que je me laisserai aller à des plaintes sans fin et à des soupirs sans nombre qui ne serviront qu’à t’ennuyer si tu es occupé et qu’à te faire du chagrin si tu m’aimes. Donc, il vaudrait mieux de toute façon que je me taise. Cher adoré bien-aimé, je n’ai pas d’amertume dans le cœur, je t’adore, je te désire et je t’attends. Voilà tout.
C’est aujourd’hui lundi mais les ministres doivent faire le lundi comme les savetiers, ce qui fait que je n’attends la chose que demain [1]. J’avoue, par exemple, que s’ils ne l’onta pas faite demain, je suis capable d’aller leur dire des atrocités et des horreurs. J’ai fini par désirer cette chose, moi aussi, pour les mêmes motifs que toi et pour un autreb encore qui m’est personnel. C’est que je pourrai te demander un peu de tout le temps que tu perds sous le prétexte de cette diablerie. Aussi je compte les heures et les minutes qu’on te fait attendre avec la plus vive impatience et le plus grand désir que ce soit fini tout de suite.
Mon Toto, je t’aime, tu le sais, n’est-ce pas ? Eh bien ! tâche de venir bien vite auprès de ta pauvre Juju.

BnF, Mss, NAF 16359, f. 53-54
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « s’il ne l’ont ».
b) « une autre ».


14 avril [1845], lundi après-midi, 4 h. ¼

Je t’ai vu partir avec bien du regret, mon Toto. Il me semble, chaque fois que tu passes le seuil de ma porte, que tu emportes avec toi la lumière, la joie, le bonheur, mon amour et mon âme. Mon Dieu qu’il est triste de t’aimer comme je t’aime et de ne pouvoir pas vivre avec toi, respirer le même air que toi, entendre ta douce voix, voir les mêmes choses que toi, rire de ton rire, penser avec ta pensée, ne pas te quitter enfin. C’est le regret de tous les instants de ma vie.
Cher adoré bien-aimé, tu es doux, bon et charmant avec moi. Jamais tu ne m’as dit un mot dur, jamais tu n’as eu un moment d’impatience. Je t’ai toujours trouvé le plus charmant et le meilleur des hommes. Je te rends bien justice, va. Quand je me plains, ce n’est pas parce que je suis grognon et de mauvaise humeur, c’est parce que je souffre et que je t’aime. Je t’aime trop et pourtant je ne voudrais pas t’aimer moins quand je devrais en mourir. Mon amour, c’est mon trésor, ma gloire et mon paradis. Je n’en donnerais pas une parcelle pour le monde entier. Je t’aime, mon Victor, plus que plein mon âme. Je t’aime à remplir la terre et le ciel de mon amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 55-56
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

Notes

[1« La chose » est l’annonce de la nomination de Victor Hugo en tant que pair de France.

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