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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 avril [1838], vendredi matin, 11 h. ¾

Je t’écris levée, mon adoré, en compagnie d’un fumiste et d’un ramoneur gros comme le poing. Le portier avait prévenu la bonne hier au soir. J’ai été interrompue ici par le raccommodeura de la cuisinière. Je l’ai joliment rabroué comme tu penses. Je vous aime, mon Toto, je vous adore, mon petit homme, jamais vous ne le saurez autant que cela et vous aviez bien promis de prendre l’habitude de venir tous les jours déjeuner avec moi et voilà que vous manquez à ce beau projet dès le premier jour, c’est très mal à vous et je vous en veux beaucoup. Je continue de tousser comme une vieille pulmonique, il me faudrait un peu de ce jus de réglisse de Tartuffe ou mieux encore du vôtre, ce qui est la même chose attendu que tous les jus du monde qui ne viendraient pas de vous ne feraientb rien à mon rhume [1]. Je vais écrire à Mme Kraft et puis je déjeunerai et puis je vous aimerai et puis je vous attendrai et puis je vous adorerai. D’ici à ce que je vous voie je baise vos chères petites mains et votre cavité buccalec de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 42-43
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

a) « racommodeur ».
b) « ferait ».
c) « bucale ».


13 avril [1838], vendredi soir, 9 h. ¼

C’est bien gentil à toi, mon adoré, d’être venu me voir ce soir, tu devrais toujours faire comme cela, ce serait bien bon et bien i. Nos poissons pour être arrivés tard n’en sont pas moins arrivés, et de plus ils étaient très bons et très frais. Je vous aurais voulu là pour vous en faire manger de force. Cher bien-aimé, je ne peux pas me lasser de te dire que je t’aime car c’est bien vrai et du fond du cœur. Pauvre adoré, je suis bien fidèle, va, tu n’as rien à craindre de moi, mon Toto. Je te suis aussi fidèle et je t’aime autant que tu es beau, bon et grand. Cette pauvre Mme Pierceau est bien malheureuse et bien triste, je la console le plus que je peux en lui parlant de toi et en lui disant combien je t’aime, ce qu’elle comprend parfaitement. Jour Toto, soir pa, soir man. Je vous attends très tôt et je vous baise de tout mon cœur et de toute mon âme, dépêchez-vous très tôt. Jour Toto, soir pa, soir man. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 44-45
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

Notes

[1Dans le Tartuffe de Molière, à Tartuffe qui demande à Elmire « Vous plaît-il un morceau de ce jus de réglisse ? » celle-ci répond : « C’est un rhume obstiné, sans doute ; et je vois bien / Que tous les jus du monde ici ne feront rien » (Acte IV, scène 5).

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