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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 juin 1844

20 juin [1844], jeudi matin, 9 h.

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon cher amour, bonjour, mon bon bien-aimé ; bonjour je t’aime. Ne sois pas fâché contre moi. Je t’assure, vraiment, que je suis très lasse quand arrive le soir et qu’il m’est impossible de mettre un pied devant l’autre. Cela tient à ce petit surcroît d’occupation que m’a donné la maladie de Suzanne et peut-être aussi à une disposition particulière. Mais, le soir, soir, je suis toute pesante et toute engourdie. Si tu pouvais me faire sortir un peu dans le jour, je reprendrais petit à petit l’usage de mes jambes et je pourrais profiter de tous les moments de jour ou de nuit que tu pourrais me donner. Je ne t’en veux pas, je te dis cela dans le cas oùa tu pourrais le faire, voilà tout. Si tu ne le peux pas, je resterai dans ma chambre avec résignation.
Joséphine est venue chercher sa pétition ; je lui ai expliqué comme quoi cela n’aurait pas grand succès et je crains de lui avoir fait de la peine sans le vouloir. Il y a des plaies si vives qu’il est impossible d’y toucher sans aggraver la douleur, et la sienne, pauvre fille, est de ce nombre. Enfin, Dieu sait si je l’aime et si je voudrais lui être utile. Elle le saura plus tard, je l’espère, si nous réussissons. En attendant, tu es le plus aimé et le plus adoré des hommes, comme tu en es le plus beau et le meilleur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 171-172
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « ou ».


20 juin [1844], jeudi soir, 6 h. ½

Je t’attends mon Toto, je ne sors pas de là ; matin, soir, jour, nuit, je t’attends toujours. Je t’ai vu une seconde tantôt et il m’a semblé que tu avais de l’humeur. Je pense que ce n’est pas contre moi car dans ma conscience, je ne fais rien qui mérite ton mécontentement. J’en suis bien sûre. J’ai fait faire les trois matelas.

8 h. ½

Mon amour, mon bien-aimé, ma vie, ma joie, mon âme. Je baise tes chers petits pieds, je te bénis, je t’adore, tu me ravis, tu m’éblouis, tu es mon Dieu vivant.

10 h.

Je t’écrivais cela pendant que Joséphine était allée me chercher chez elle un œillet en fleur qu’elle m’a forcée d’accepter. Cette pauvre fille, je l’aurais désobligée en la refusant opiniâtrement, et je me suis laissée faire une douce violence. Sérieusement, j’aurais voulu ne pas lui prendre son œillet ; mais j’ai vu que je lui faisais de la peine et j’ai dû céder.
Mon Victor adoré, je t’aime, tu es plus que ma vie, tu es mon amour. Je t’ai écrit ce gribouillis en trois fois mais quand il s’agit de te dire ce que j’ai dans le cœur, je retrouve toujours le fil de mon discours. Les interruptions ne me font rien à moi. Je t’aime avant, pendant et après, il n’y a pas à se tromper. Je voudrais bien que tu viennes et quoiqu’il soit horriblement tard, je sortirais comme plusieurs lions féroces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 173-174
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

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