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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 juin 1844

18 juin [1844], mardi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon pauvre cœur navré, bonjour mon âme, bonjour, je t’aime. Comment vas-tu aujourd’hui ? Je t’écris tard à cause des occupations du matin que je ne puis me dispenser de faire, Eulalie étant là et Suzanne n’ayant pas encore grand force [1]. Je trouve même, entre nous, qu’elle se rétablit très peu vite et je crains une rechute. Cette fille n’est pas convalescente, elle est languissante. J’en suis assez inquiète, sans le montrer pourtant, parce que je ne sais pas ce que cela deviendra et qui je prendrais à sa place. Attendons. Ne sois pas triste mon Toto, ne sois pas malheureux, ne souffre pas, je t’aime. Viens me voir. Viens t’installer chez moi, je respecterai ta préoccupation [2]. Je ne ferai pas de bruit. J’aurai bien soin de toi. Je serai bien heureuse.
Je compte sur toi ce soir, j’ai fait acheter le dîner en conséquence, soit que tu viennes à l’heure, soit que tu soupes. Seulement, tu seras obligé de manger ton dîner froid parce que cette pauvre fille est incapable de veiller. Je serai prête à t’accompagner chez ton roi [3] mais il faut que je me dépêche car j’ai des montagnes de choses à faire d’ici à ce soir. La première et la seule c’est de t’aimer de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 163-164
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette


18 juin [1844], mardi soir, 5 h. ¼

Où es-tu, mon pauvre canard  ? Es-tu à l’abri de l’orage au moins ? Que deviennent tes petits pieds dans tes petits souliers d’étoffe ? J’ai grand peur que tu ne les mouilles et que tu ne reprennes le mal de gorge. Je ne serai tranquille que lorsque je t’aurai vu et si tu n’as pas reçu de pluie. Cette pauvre Eulalie était allée chez sa sœur pour lui dire de ne pas venir juste au moment oùa il commençait à pleuvoir, de sorte qu’elle n’en a pas perdu une goutte et inutilement, car sa sœur n’était pas chez elle. De sorte qu’à moins que Joséphine ne retourne chez elle avant de venir chez moi, il est impossible qu’elle ne dîne pas avec nous. J’en serai contrariée autant pour elle que pour toi si tu viens dîner parce que cela vous gênera tous les deux et moi, plus que vous tous. Cependant, mon cher adoré, je suis décidée à être la plus heureuse des femmes, soit que tu dînes ou que tu soupes. Cela n’arrive pas assez souvent pour que je perde une goutte de mon bonheur. Voilà comme je suis roger-bontemps [4]. Pauvre bien-aimé, c’est que je t’aime et que la pensée de te voir dissipe tous les ennuis et absorbe toutes les contrariétés de ma vie. Je te vois, je suis heureuse. Baise-moi, mon Toto ravissant, et pense à moi. N’aiea pas froid et viens le plus tôt possible.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 165-166
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « n’aies ».

Notes

[1La domestique Suzanne a été très malade.

[2À élucider.

[3Victor Hugo est l’invité de Louis-Philippe.

[4Être roger-bontemps : être de bonne humeur, sans souci.

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