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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 avril [1844], jeudi matin, 9 h.

Bonjour mon Toto bien aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour vous, bonjour toi, je vous aime. Vous m’avez donné une bien charmante petite culotte hier. Je ne lui ai trouvé qu’un défaut : celui d’être trop courte. Une autre fois, il faudra me la donner plus longue et plus large pour que je puisse y mettre de la [soupe ?] et danser dedans ; mais c’est égal, telle qu’elle était, elle m’a parua ravissante et je donnerais bien des années de ma vie pour des soirées comme celle d’hier. Seulement, je n’ose pas le dire trop haut mais j’ai bien peur de la payer dès aujourd’hui, cette fameuse culotte, par une journée toutb entière de solitude. Quand je dis solitude, je veux dire ne pas te voir, car y-eût-il du monde plein la maison que je serais seule si tu n’y étais pas. Il est probable que ton scélérat d’oncle [1] t’aura accaparé aujourd’hui et pour aller à Saint-Denis encore !!! Vieux général que tu es, va, si jamais je peux te faire un vilain tour, je n’y manquerai pas, sois tranquille.
En attendant, je vais être enragée de la pensée de toutes ces dix-huit [ans  ?]. Décidément je regrette d’avoir accepté la culotte puisqu’ellec contenait dans son gousset la journée de Saint-Denis. Taisez-vous, monstre, et prenez garde à mon grand couteau.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 77-78
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « parue ».
b) « toute ».
c) « puisse qu’elle ».


25 avril [1844], jeudi soir, 8 h.

J’ai un poids de cent mille livres enlevéa dessus mon pauvre cœur, mon amour, depuis que je sais que vous n’êtes pas allé à Saint-Denis. Je sais bien que c’est partie remise, mais enfin c’est toujours un jour de gagné, et la vie ne se compose que de jours tricotés l’un après l’autre.
Je vais bien prier le bon Dieu pour qu’un incident, je ne dis pas un accident, t’empêche d’aller à ce hideux Saint-Denis. Tu ne peux pas te figurer, mon Toto, combien je redoute tous ces contacts de femelles, quel que soit d’ailleurs leur âge. Voilà comme je suis, moi, c’est mon genre et j’ai bien d’autres craintes…
Je t’ai vu, mon adoré, je t’ai vu, je suis heureuse. Tu as été encore bien bon pour ces pauvres gens. Je crois que tu ne peux pas mieux placer ton intérêt. Je serais bien reconnaissante, mon cher adoré, si tu pouvais leur être utile. Je m’aperçois que je dis une stupidité pommée [2], car qu’est-ce que la reconnaissance à côté de l’amour sans bornes que j’ai pour toi ? Mon cher bien-aimé, je serai heureuse si tu peux venir en aide à ces pauvres gens, voilà tout. D’ailleurs, tu n’as pas besoin d’autre stimulant pour faire le bien que le bien lui-même, et puis, si je te dis des choses inintelligibles, mets que je ne t’ai rien dit, sinon que je t’aime de toute mon âme et que je baise tes chers petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 79-80
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « enlevés ».

Notes

[1Louis-Joseph Hugo, général en retraite.

[2Pommée : achevée, complète.

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