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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 mars 1844

20 mars [1844], mercredi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon adoré petit homme, bonjour, je t’aime.
Comment vas-tu ce matin ? Es-tu moins préoccupéa que cette nuit ? Pauvre adoré, tu avais l’air non seulement préoccupéa mais encore triste. Est-ce que tu es triste mon cher petit homme ? Hélas ! Mon pauvre ange, cela n’est que trop probable, et ma sollicitude en cette circonstance n’est que de la maladresse, car il y a des douleurs sur lesquellesb on doit fermer les yeux quand on sait d’avance qu’on ne peut pas les soulager.
Je suis dans cette position vis-à-vis de toi, mon pauvre adoré, je te vois souffrir sans pouvoir adoucir tes souffrances. Je donnerais pourtant ma vie avec joie pour cela. Je voudrais te voir, mon Toto, j’ai besoin de te voir. J’ai de l’amour plein mon cœur qui ne demande qu’à s’épancher dans le tien. J’ai des caresses plein les yeux et plein les lèvres qui ne demandent qu’à se répandre sur toute ta chère petite personne adorée. Tâche de venir bientôt. Ne me fais pas te désirer dans le désert jusqu’à ce soir. Si tu savais comme le temps paraît long quand je t’attends, tu aurais pitié de moi. Je ne te demande pas à sortir car moi-même je crois que je serai fort empêchée de sortir à cause de ce que tu sais [1]. Mais je te suppliec de venir me voir. À moins cependant que cela ne te dérange trop de ton travail, auquel cas je me résignerai tant bien que mal à ne te voir qu’une minute ce soir. Mais ce sera bien triste. En attendant je t’aime et je baise tes chers petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 309-310
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « préocupé ».
b) « sur lesquels »
c) « suplie »


20 mars [1844], mercredi soir, 8 h. ½

Tu n’es pas revenu, mon pauvre homme triste, et je ne t’ai jamais plus attendu ni plus désiré que ce soir. C’est surtout quand je crois que tu souffres que j’ai encore plus besoin de te voir. Pauvre adoré, j’espère que ce n’est pas quelquea incident fâcheux nouveau qui t’a empêché de venir ce soir. Cependant je ne serai tranquille que lorsque je t’aurai vu. Dieu veuille que ta ravissante petite figure ait repris son doux sourire.
Je t’aurais écrit plus tôt si je n’avais pas été occupée depuis tantôt à poser des pièces à mes chemises de flanelle pour pouvoir en changer demain. Il y a urgence, car depuis plus de huit jours je vis avec la même, ce qui n’est rien moins que propre, vanité à part. Je vais m’y remettre encore tout à l’heure, je me fais aider par Suzanne, car sans cela je n’en viendrais pas à bout pour demain matin. Soyez tranquille, mon amour, votre cher petit bouquet, tout tronqué qu’il est, ne me quittera jamais. J’ai conservé jusqu’à des brins de paille qui venaient de vous.
Je vous aime, moi, si vous ne le savez pas c’est que vous êtes bête comme un chien.
Baisez-moi, mon cher adoré, et ne soyez pas triste. Je t’en supplieb.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 311-312
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « quelqu’ ».
b) « suplie ».

Notes

[1Probable allusion aux règles.

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