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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 mars 1844

6 mars [1844], mercredi soir, 5 h. ¼

Bonjour mon Toto adoré, bonjour mon cher amour, bonjour mon pauvre enrhumé.
Comment vas-tu ce matin ? Comment vonta ton nez et ta gorge ? Le petit remède de cette nuit t’a-t-il fait du bien ? Je serais bien heureuse si tu venais m’apporter des réponses satisfaisantes à toutes ces demandes. Je n’espère pourtant pas te voir d’ici à ce soir. Tu es si occupé et si préoccupéb que c’est à peine si tu penses à venir auprès de moi après minuit.
Je ne t’en veux pas mais je trouve cela triste. Allons, allons, je ne veux pas recommencer mon antienne quotidienne. Je veux aujourd’hui que les jours se suivent et ne se ressemblent pas, du moins en ce qui concerne la mouzonnerie. Nous verrons si cette bonne résolution tiendra contre toute une longue journée d’attente. Je n’ai pas beaucoup plus de confiance dans la stabilité de ma résignation que dans le soleil qui reluit dans ma chambre dans ce moment-ci et qui sera suivi d’une effroyable giboulée de grêle tout à l’heure. J’ai bien peur que ma giboulée ne se fasse pas attendre plus longtemps que celle du bon Dieu.
Jour Toto, jour mon cher petit o, je vous adore, vous saurez cela. Si cela vous déplaît, j’en suis fâchée, mais cela sera comme cela jusqu’à la consommation de votre Juju et des siècles. Ainsi soit-il de vous, scélérat. Baisez-moi, je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 257-258
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « va ».
b) « préocupé ».


6 mars [1844], mercredi soir, 5 h. ¼

Quel rhume, mon pauvre bien-aimé, je te plains de toute mon âme. Je voudrais pour tout au monde pouvoir te l’ôter et le prendre pour moi. Ce ne serait qu’une occupation pour moi qui n’ai rien à faire tandis que pour toi, mon pauvre ange, c’est une souffrance et un surcroît de fatigue. Le bon Dieu devrait permettre ces échanges-là. De cette façon le dévouement ne serait pas le plus souvent inutile ou un vain mot.
Depuis que tu m’as quittée, mon cher bien-aimé, j’ai reçu mon linge, je l’ai rangé et je t’ai préparéa ta petite bouillotte au coin du feu dans le cas [où] tu voudrais boire un peu d’eau sucrée. Tu as bien fait d’acheter un jujube [1] quelconque.
Je regrette de ne t’avoir pas indiqué la pâte de guimauve ou de réglisse, ce sont les deux béchiques [2] les plus doux et les moins échauffants pour la poitrine. Le jujube proprement dit n’existe qu’à l’état de colle à bouche vu la probité des marchands en général et des apothicaires en particulier.
Je t’aime mon Victor, je te plains, je pense à toi, je te désire et je t’adore. Tâche de ne pas venir trop tard, tu me combleras de bonheur sans calembourb [3] .

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 259-260
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « préparée ».
b) « calembourg ».

Notes

[1« Pâte faite avec le suc de ce fruit, souvent utilisée comme traitement contre la toux ».

[2Remède pectoral.

[3Juliette joue sur le rapprochement dans sa phrase entre « trop tard » et « bonheur » ou « bonne heure ».

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