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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 janvier [1844], vendredi matin, 9 h.

Bonjour, mon Toto bien-aimé. Bonjour, mon cher amour. Je me dépêche de te gribouiller quelques mots d’amour pour être prête à l’heure que tu m’as indiquée. Il faut bien que ce soit pour la mère Pierceau que je sorte de mon lit aujourd’hui car je suis très souffrante et j’ai passé une très mauvaise nuit. Mais comme la pauvre femme a ses jours comptés [1], je ne veux négliger aucune occasion de lui témoigner toute ma sollicitude et toute mon amitié. D’ailleurs, je pourrai me recoucher après être revenue de chez elle. J’ai oublié de te dire hier, mon Toto, que Dabat t’avait apporté tes bottes neuves. Il apportera la botte droite l’autre semaine. Pauvre adoré, comment va ton genoua ? Il doit te faire beaucoup souffrir ce matin car c’est toujours le lendemain d’une contusion que la douleur est plus vive. Peut-être ne pourras-tu pas marcher ? Auquel cas il ne faudrait pas te forcer pour ne pas irriter ton mal par le frottement du pantalon. Tu sais qu’en hiver tous ces bobos-là sont beaucoup plus dangereux.
Tu n’avais pas besoin de cela, pauvre ange, et le bon Dieu t’a bien mal récompensé de ta bonne action. J’aurais mieux aimé que le bienfait fût perdu une fois que payé de cette façon. Je baise ton cher petit genoua.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 97-98
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « genoux ».


26 janvier [1844], vendredi soir, 7 h.

Merci, mon bon petit bien-aimé, de m’avoir fait sortir. Merci, cela m’a fait du bien de toute façon et nous avons fait plaisir à cette pauvre femme [2]. Si tu savais quel bonheur c’est pour moi d’être avec toi, de m’appuyer sur ton bras, de regarder ton ravissant petit profil, d’entendre ta douce voix, tout cela me transporte de joie. Et puis j’ai besoin de parler de toi à des gens sympathiques. J’ai besoin d’épancher le trop plein de mon admiration et de mon amour dans des cœurs amis. Aussi cette promenade m’a-t-elle fait un grand bien. Quand tu pourras la renouvelera, mon amour, tu me rendras bien heureuse. En attendant, je vous défends de recevoir aucune triste-à-pattes plus ou moins Flora [3]. Envoyez-les-moi, je saurai bien m’en débarrasser, je vous en réponds.
Je te recommande, mon Toto chéri, de ne pas trop patauger dans la boue et sous le brouillard ce soir. Il faut tâcher aussi de ne pas te fatiguer à cette conférence [4] et revenir le plus tôt possible brûler ton rhume et sécher tes petits pieds. J’ai oublié de te faire penser à changer de bottes ce soir. Tu t’en vas si vite qu’on a le temps de rien, pas même de s’embrasser. Il est vrai que j’y passerais ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 99-100
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « renouveller ».

Notes

[1Mme Pierceau est très malade et meurt quelques jours plus tard.

[2Juliette et Hugo sont allés rendre visite à Mme Pierceau très malade.

[3Allusion à Flora Tristan qui correspondait avec Victor Hugo. Juliette Drouet la surnomme « triste-à-pattes » en référence au sobriquet donné aux policiers de Paris et qui signifie par extension « une personne à la triste figure ».

[4A élucider.

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