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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 décembre [1843], vendredi matin, 11 h. ½

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour toi, bonjour vous. Tu vois que je t’écris bien tard, mon adoré, mais c’est que j’ai été bien souffrante cette nuit. Je croyais même ce matin à 7 heures que je ne pourrais pas me lever de la journée. Maintenant c’est un peu passé quoique je sois encore très souffrante.
L’épicier vient d’apporter deux flacons d’huile, le tien à cause du flacon de 1 F. 5 c., monte à 18 F. 3 s Tu vois par ce petit détail que toute cette provision d’huile loin de graisser ma bourse l’a misea à chesse tout à fait. Voilà mon cher petit où j’en suis de tout l’argent que tu m’as donné hier. Tu vois que cela ne me dure pas longtemps. Cependant je ne fais pas la noce, je t’assure et je ne mets pas à la loterie.
Jour mon cher petit o, je vous aime. Apportez-moi votre chaine à nettoyer. Vous me ferez bien PLAISIR. Dépêchez-vous bien vite ou je vous fiche des coups.
Je ris mais j’ai très mal à mon dos et mon estomac. Je suppose que c’est ma douleur qui est venue se loger à ces deux endroits et cela me fait l’illusion par force de la souffrance d’une maladie sérieuse. Cependant comme je sais ce que c’est je ne m’en alarme pas autrement. Dans ce moment-ci j’étouffe et cela me brûle en dedans comme si j’avais du feu. Je suis une vieille patatraque et vous ferez bien en effet de vous précautionner d’une paire de mains blanches et potelées accompagnées de leurs jambes pour remplacer votre pauvre Juju qui jette un vilain coton.
Voime, voime, prends garde de le perdre. Je vivrai cent ans et toi aussi pour te faire enrager, pour dérouiller tes chaînes et autres braquemarts.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 141-142
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « mis ».


8 décembre [1843], vendredi soir, 5 h. ¾

J’ai une migraine atroce, mon pauvre Toto, je rassemble tout mon courage pour te gribouiller ces quelques lignes. Plus tard je crains d’être tout à fait hors d’état de faire quoi que ce soit. Pour peu ce cela continue comme dans ce moment-ci je serai forcée de me coucher.
Et toi, mon Toto adoré, que fais-tu, où es-tu de ce vilain temps pourri ? Penses-tu à moi ? Me plains-tu ? Me regrettes-tu ? M’aimes-tu ? Moi j’ai dans le cœur des réponses à toutes ces questions : – oui, oui, oui, oui, oui. – Mais vous et moi, cela fait deux. Ce qui fait que je ne sais que penser de toutes ces questions qui m’intéressent plus que la vie.
Il est déjà bien tard. Est-ce que tu ne viendras pas bientôt, mon cher petit homme ? Je suis sûre que si je te voyais mon mal de tête se calmerait tout de suite. Au lieu de cela, si tu tardes encore je perdrai le peu de courage qui me reste. Je suis triste mon amour et je souffre. Tu vois bien que j’ai besoin de te voir. Dépêche-toi de venir mon Toto bien-aimé et je serai guérie et gaie : QUEL BONHEUR ! Il y a bien longtemps que ce cri ne s’est échappé de mon cœur. Hélas ! c’est qu’il y a bien longtemps que je suis triste dans le fond de mon cœur. Quand tu voudras je serai joyeuse et je pousserai mon cri de guerre assez fort pour qu’on l’entende chez le bon Dieu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 143-144
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

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