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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 décembre [1837], mercredi après-midi, 3 h. ¼

Que vous êtes aimés mon Toto. Il me faudrait toutes les langues de toutes les femmes pour vous le dire autant que je le sens. J’ai été bien malheureuse cette nuit. Heureusement que votre visite de ce matin a tout réparé. Je suis aussi joyeuse que j’étais triste et n’était ma santé qui ne se met pas à l’unisson de mon cœur, je ne me souviendrais plus de mon désespoir de cette nuit.
Je suis encore dans mon grand nettoyagea. Je voudrais prendre un bain ce soir. Peut-être en éprouverai-je du soulagement. J’étouffe. J’ai mal au cœur. Je n’en peuxb plus enfin. Jour, pa. Votre MÈRE GAUDÈNE [1] est toute détraquée. Il faut l’aimer quand même puisque c’est à votre service qu’elle s’est usée jusqu’au papier gris [2]. Tâchez de venir avant demain matin si vous voulez que je ne crève pas dans ma peau. Jour mon petit o. Je t’adore tu sais bien. Tu es mon divin Toto. Je suis folle de toi. Aime-moi un peu si tu veux que je vive. J’ai bien besoin de ton amour pour supporter ma vie. Aime-moi, aime-moi. Pense à moi et vient très tôt.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 216-217
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « nétoyage ».
b) « peu ».


27 décembre [1837], mercredi soir, 9 h. ¾

a
Je t’écris sans savoir au juste quelle heure il est car lorsque je suis entrée dans ma chambre la pendule était arrêtée sur 9 h. Je l’ai mise à l’heure au hasard. Mais qu’importe l’heure puisque je t’aime toujours autant que le premier instant où je t’ai possédé. Depuis ce temps bien des heures ont sonné et notre aiguille est restée fixéeb sur l’amour. C’est très rococo ce que je te dis là parce que je suis bête comme tout, mais en réalité ce que je veux dire est très joli et très juste, il faut me tenir compte de l’intention.
J’ai resserré tantôt tous mes trésors de 1837 en les baisant un à un pieusement et amoureusement. Je les enfermerai ensuite dans le tabernacle en priant Dieu de m’en envoyer autant en l’année 1838. Pauvre bien-aimé, c’est en voyant tous ces gages d’amour que j’ai senti combien je t’aimais. Il n’y a pas unc pétale de ces fleurs flétries que tu m’as données fraîches que je voudrais échanger contre un rubis ou un diamant. Je ne me manière pas quand je te parle ainsi, mon pauvre ange, tout ce que je te dis est gauche et bête comme moi-même, mais le fond est sincère et passionné. Si tu m’avais vue tantôt baisant mot à mot chacune des petites lettres que tu m’as écrites cette année, compter une à une chaque feuille des roses ou du bouquet de violettes que tu m’as donnésd contre deux baisers, tu aurais compris avec quel amour et quelle vénération je les avais conservése jusqu’à aujourd’hui et si tu pouvais voir le fond de mon cœur je ne douterais pas des paroles pleines de tendresse et d’amour que tu me disais ce matin à propos des autres femmes. Oh ! oui, dans mon cœur je suis au-dessus de toutes les autres femmes autant que le ciel est au-dessus des montagnes les plus élevées.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 218-219
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) Une croix ajoutée d’une autre main.
b) « resté fixé ».
c) « une ».
d) « données ».
e) « conservées ».

Notes

[1On trouve l’orthographe « mergauden » à deux reprises en 1836. À élucider.

[2On appelait « papier gris » un papier qui servait aux chimistes et aux apothicaires à passer et à filtrer plusieurs liqueurs. Il s’agit encore de papier d’emballage, à base de vieux papiers de qualité inférieure.

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