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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 janvier [1842], lundi matin, 11 h. ½

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon cher amour bien-aimé ! Comment que ça va ce matin ? Si j’osais, je vous ferais une SCÈNE pour vous apprendre à ne jamais venir vous coucher auprès de moi mais comme je sais que ça ne vous fait absolument rien, je ne vous en ferai pas. Comment va notre petit Toto ? Bien, je l’espère, et toi mon pauvre ange adoré, comment vont tes beaux yeux ? Bien aussi, n’est-ce pas ? C’est que ta santé, c’est ma vie, te voir, c’est mon bonheur, mon toto bien-aimé. Baise-moi, je t’aime de toute mon âme, mon grand Victor. Suzanne vient de me dire que le feu que tu as vu hier au soir était dans une fabrique de fer, rue des Amandiers, que tout était détruit et que 250 ouvriers allaient se trouver sans ouvrage et sans ressources par suite de ce désastre. C’est triste, surtout quand on pense aux femmes et aux enfants de ces pauvres gens. Il semble que si on était la providence, on ne ferait pas de ces choses-là et cependant il n’y a qu’elle qui les fait. Je crois que je suis très ridicule dans ce moment-ci en me mêlant de choses qui ne me regardent pas, mais c’est que c’est toujours si affreux de savoir de pauvres malheureux sans pain que malgré moi, je dis des bêtises qui n’ont ni queues ni têtes. Décidément je ne sais que t’aimer, c’est MA SPÉCIALITÉ. Hors de là, je suis inepte et absurde. Aussi je rentre bien vite dans ma vocation par un gros baiser dans lequel tu peux tenir tout entier.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 95-96
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette


31 janvier [1842], lundi soir, 5 h. ¾

Mon cher petit bien-aimé, j’ai du bon raisin pour toi que je vais éplucher et arranger tout à l’heure. J’aurais bien aussi à faire mes comptes de la fin du mois mais, ma foi, je les ajourne. Je les ferai un de ces jours avec le total de la dépense générale de l’année 1841 à venir. Pourtant, que cela ne te contrarie trop, auquel cas je les ferai ce soir même. J’ai ta botte droite. Quanta à la paire neuve, tu l’auras la semaine prochaine. Le Dabat a dû passer en sortant de chez moi rue Royale pour voir les fameux souliers idéauxb. Enfin je fais ce que je peux pour que vous soyez content. Je ne sais pas si j’y réussis ? Je ne réussis pas à peindre mon écriture par exemple. Il est vrai que j’ai de si affreuses plumes que ce n’est pas ma faute. D’un autre côté, j’ai une péronnelle qui pleurniche et qui ne peut pas venir à bout de ses épaulettes que tu as fort mal dessinées par parenthèse. Enfin ce n’est pas une raison pour verser des torrents d’eau ni pour te jeter tout à la tête. Justement te voici. Tant mieux. Que je vous voie faire le joli cœur avec les toupies des vaudevilles, vous aurez affairec à moi, je ne vous dis que ça, faute de place mais j’en pense bien plus.

BnF, Mss, NAF 16348, f. 97-98
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « quand ».
b) « idéals ».
c) « à faire ».

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