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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Aux Metz, mardi matin [22 septembre 1835], 8 h.

Bonjour, mon Victor, bonjour, mon cher bien-aimé, je voudrais trouver des paroles aussi douces, aussi persuasives que mon amour est tendre et sincère.
Tu avais bien chaud hier au soir, tu avais beaucoup couru pour me voir. J’aurais voulu t’essuyer avec mes baisers, te sécher avec mon corps. Malheureusement, tu n’avais qu’un moment trop court pour cela. Et encore, tu es reparti en oubliant ton mouchoir. J’aurais voulu pouvoir recourir après toi pour te le porter et baiser encore une fois tes cheveux mouillés de sueur. J’ai craint que tu ne fusses déjà trop loin et je me suis couchée avec tristesse pensant que tu allais arriver bien las et bien en sueur sans avoir un mouchoir pour te sécher un peu. C’est avec cette inquiétude, avec cette tendresse, que je me suis endormie et réveillée plusieurs fois dans la nuit. Ce matin, je me suis levée à 7 h. ¾ avec le désir et l’impatience de te revoir, quoique je sachea que je ne pourrai pas avoir ce bonheur avant 1 h. de l’après-midi au plus. Je vais donc employer tout ce temps-là à t’aimer, à me repentir et à te désirer. Je suis un peu plus gaillarde ce matin car ce qui me tourmentait si fort hier au soir est arrivé ce matin. Aussi, vais-je trotter comme un lièvre dans la plaine et dans les bois.
Mon cher petit homme, ne rejette pas mes paroles quand elles sont bonnes et douces puisque celles-là sont les seules vraiesb. Je t’aime comme autrefois, seulement je t’aime plusc.
Mon Victor, je t’aime, je t’aime, fais de moi ce que tu voudras, tu es mon maître, mon roi, mon dieu.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 284-285<br /
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « saches ».
b) « vrais ».
c) « plus » est souligné deux fois.


Aux Metz, mardi soir [22 septembre 1835], 8 h. ½

Mon bon Victor, mon bien-aimé, je voudrais t’avoir là pour te remercier de la voix, de l’œil, du cœur et de l’âme de ta bonne lettre. Je n’ai pas d’autre raison éloquente à te donner que celle-ci : je t’aime, je t’aime, je suis en adoration devant toi, tu es ma joie, ma vie, mon souffle, mon bonheur. Tu as été encore un peu triste aujourd’hui, mais j’espère, je suis sûre même, que je dissiperai ta tristesse à force d’amour et de bonheur. Tu verras, mon bien-aimé, je serai si heureuse, si ravie, si reconnaissante de ton amour que tu seras heureux et ravia toi-même et que tu oublieras tous mes torts. Et puis si vous vous abstenez dans votre tristesse, je n’irai plus au lieu avec vous, à ce joli petit lieu que vous savez où on est si heureux l’un auprès de l’autre.
Je suis revenue ce soir mouillée, trempée, ventée, mais surtout ventée que c’était à n’y pas tenir son parapluie. La première chose que j’ai faite en entrant a été de panser mon cheval, absolument comme le cavalier en campagne. Il était tempsb que j’arrive car je ne pouvais plus ni avancer ni reculer. Grâce à Dieu, je suis très bien à présent, âme et corps, tout est heureux, tout est à l’aise, puisse-t-il en être de même de ton pauvre cœur, de ta belle petite grosse jambe que je baise avec beaucoup de précaution pour ne pas lui faire de mal. Bonsoir, dors bien, sois heureux puisque je suis heureuse, puisque je t’aime, puisque je ne pourrais pas vivre sans toi.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 286-287
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « ravie ».
b) « tant ».

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