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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 septembre 1835

Mercredi matin [9 septembre 1835], 6 h. ¾

Bonjour, mon cher petit Toto, comment que vous avez passé la nuit ? Ceci est la dernière lettre que je vous écrirai d’ici au moins pour un bout de temps. Encore si c’était parce que nous serions ensemble à courir les villes, les châteaux et les églises, ce serait charmant et je ne grognerais pas, mais il s’agit de tout le contraire pour moi, puisque je vous verrai encore moins longtemps chaque jour qu’à Paris et que nous serons plus séparés tous les soirs. Cette réflexion me rend très triste et j’aimerais mieux restera avec vous à Paris [1], si je devais perdre une seule minute du bonheur que vous me donnez.
Le soleil ne nous fait pas les honneurs de notre installation. Il pleut, il fait un temps atroce, ce qui ne laissera pas que d’être très commode pour emporter nos bagages derrière la voiture. Au reste, je n’y tiens pas autrement et ce que j’en dis n’est que pour constater l’état atmosphérique à la manière du célèbre Arago [2]. Je ne peux pas écrire ce mot, la manière, sans penser à ce drôle [3], à cet impudent huissier. Nous verrons s’il viendra, enfin aujourd’hui j’en doute.

Mon cher petit Toto, je vous baise de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16324, f. 240-241
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « resté ».


Aux Metz, mercredi soir 9 septembre 1835, 8 h. ½

Bonsoir, ma pauvre âme, dors bien, mon cher petit homme. Pense que je t’aime de toutes les forces de mon âme, pense que je t’en donne des preuves à tous les instants de ma vie. Je ne dis pas cela pour te le faire valoir mais depuis ce matin, avant 6 h., je suis occupée à emballer, à déballer, à clouer, au risque de me frapper sur les doigts. Tout cela, c’est de l’amour ! Tu [me  ?] serais bien injuste, bien aveugle et bien ingrat si tu en doutais.
Pauvre petit Toto, en te voyant partir tout seul, j’avais le cœur tout serré et tout triste, quoique ce ne fût pas pour longtemps, je craignais que tu ne te sois mépris sur mon impatience relativement à la commode. Figure-toia, mon pauvre Toto, que je n’en ai été si vivement contrariée [que  ?] parce que je prévoyais qu’on la ferait payerb au centuple. D’un autre côté, je sentais qu’il m’était tout à fait impossible de m’en passer. Voilà pourquoi, mon cher petit homme, j’ai eu un accès de mauvaise humeur. Mais tout cela ne touchait en rien au cœur et je t’aime mille millions de fois plus qu’il y a un an [4].

Juliette

Je mets votre petite fleurette à coucher avec moi après l’avoir bien baiséec comme si c’était vous.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 242-243
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « figures-toi ».
b) « payée ».
c) « baisé ».

Notes

[1Lettre écrite avant le départ de Juliette pour les Metz. Victor emmena Juliette le mercredi 9 septembre 1835.

[2François Arago (Estagel, 1786 - Paris, 1853) est un astronome, physicien et homme politique français. Au delà de ses travaux scientifiques et de son engagement politique (il fut élu Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences le 7 juin 1830), il s’illustra en tant que vulgarisateur scientifique notamment en publiant pour la première fois en 1835 les Comptes rendus de l’Académie des Sciences, et en donnant des cours publics d’astronomie populaire à l’Observatoire de Paris de 1813 à 1846. Le Courrier des théâtres du lundi 7 septembre évoque la comète de Halley et les observations d’Arago.

[3Manière est l’huissier qui s’occupe de la pension alimentaire que Pradier doit à Juliette, et le créancier de Juliette.

[4C’est la deuxième année consécutive que Hugo installe Juliette aux Metz pendant qu’il est lui-même en villégiature chez les Bertin aux Roches, près de Bièvres.

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