Mercredi, 8 h. ½ du soir
Je crains de prendre trop au sérieux tes demandes de lettres de chaque jour ; dis-moi en conscience, comment je dois les interpréter, pour que je ne tombe pas dans la plus ridicule des erreurs, en t’assassinant de mes lettres sous prétexte que tu t’es moqué de moi. Hébraïque, prononcez hébraique. Voilà le cas où je suis pour mes lettres. Dis-moi donc une bonne fois la vérité, pour que je sachea où j’en suis, et pour que je me laisse aller sans crainte au plaisir de te dire, de t’écrire que je t’aime, que tu es toute ma joie, tout mon bonheur, tout mon avenir. Je te demandeb seulement de prendre en lisant mes griffonnages, un quart du bonheur que j’ai en te les écrivantc. Voilà tout. Si cela se peut, tu auras de ma prose tous les jours en petite quantité pour ne pas te fatiguer à la longue, et pour te prouver ma discrétion.
Je m’arrête ici aux chiffres de six trillions de baisers que je promets à ta jolie bouche. D’ailleurs, te voilà. Ainsi je T’AIME.
Juliette
[Adresse]
À TOI
BnF, Mss, NAF 16323, f. 261-262
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud]
a) « saches ».
b) « demandes ».
c) « écrivants ».