17 décembre 1864

Guernesey, 17 décembre [18]64, samedi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher bien-aimé, je t’aime et toi ? Tu as tout le temps pour me répondre puisque je ne te verrai pas avant midi ; mais cette question étant toujours la première qui sort de mon cœur, je te la fais comme elle me vient, soit que je me réveille ou que je m’endorme pendant les heures de la journée, mon âme demande à la tienne : m’aimes-tu ? J’espère que tu as passé une bonne nuit pour peu que tu aies suivi mon exemple car je viens seulement de me réveiller, ce qui fait que j’ignore à quelle heure tu as arboré ton cher petit signal [1]. J’ai dormi comme une marmotte presque sans me réveiller depuis un bout à l’autre de la nuit. Il y a longtemps que je n’avais fait un aussi bon et aussi long pionçage que celui-ci et je serais bien contente que tu en aies fait autant de ton côté. En attendant que tu me confirmes la bonne nouvelle que je désire, je me prépare à faire avec toi une promenade monstre tantôt. Le temps est à souhait pour cela à moins que tu n’aies autre chose à faire^a, ce qui ne serait pas impossible, AU CONTRAIRE, surtout un jour de poste. Tout ce que je te dis là est bien inutile pour le moment où tu le liras, puisque ce seront des faits accomplis, mais j’ai si peu d’imagination et mon amour tient tant de place, que je ne sais plus que te dire après le mot JE T’AIME. Si je ne craignais pas de t’en obséder et de t’en dégoûter, je ne t’écrirais que ce mot-là depuis un bout à l’autre de ma restitus. Je t’aime, je t’aime est le cercle vicieux dont mon cœur ne peut pas sortir.

BnF, Mss, NAF 16385, f. 268
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « quelques chose affaire ».