Guernesey, 14 décembre [18]64, mercredi matin, 8 h. [illis.]
C’est bien la peine de me mettre à l’affût depuis une demi-heurea pour vous surprendre au passage sans parvenir à vous saisir. Le temps de tourner la tête, vrac vous avez accroché votre serviette à ce qu’il paraît et j’en suis pour mon béjaune et ma faction [illis.]. Mais si vous avez passé une aussi bonne nuit que la mienne, je vous pardonne, telle est ma grandeur. Sans compter que je compte sur une promenade de rabiot tantôt. Et à ce propos, je vous ferai remarquer que ce n’est pas douze mais bien treize sous que j’ai perdus hier, TREIZE, anniversaire de la TREIZIEME année de notre exil, en supputant tous ces treize fatidiques cela fait trente-neuf. C’est-à-dire le nombre d’années que le bon Dieu tient en réserve pour nous sur cette terre probablement [1]. J’en accepte l’augure et je prends d’avance mes quartiers d’amour pour tout ce temps-là. Maintenant je veux que vous soyez très GEAI, très heureux, très triomphant ce soir, encore plus que les autres soirs en l’honneur de la fête de votre chère femme. Ce vœu que je fais de tout mon cœur, je le lui offre en guise de bouquet. Amusez-vous bien tous ce soir. Et toi, mon doux adoré, pense à moi qui ferai mon bonheur de ta joie dans mon beau petit coin et qui ne serai peut-être pas la plus mal partagée si tu m’aimes comme je t’aime, de toute ton âme.
J.
BnF, Mss, NAF 16385, f. 265
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) « demie heure ».