Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1843 > Avril > 10

10 avril 1843

10 avril 1843, lundi matin, 11 h. ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher adoré. Voilà un temps plus favorable pour le spectacle que l’époque : – Lundi Saint. Il faut espérer cependant que nos prévisions ne se réaliseront pas autant que nous le craignons pour les deux recettes de ce soir et d’après-demain [1].
Moi je continue à avoir la migraine d’une manière absurde. Je ne sais plus où j’en suis. Je n’ai pas dormi deux heures dans toute la nuit à cause de la force du mal de tête, aussi je suis stupide et aplatiea ce matin. Si tu étais venu déjeuner avec moi cela m’aurait guérieb ; vous voyez bien que vous êtes un méchant homme puisque vous pouvez me guérir et que vous ne le faites pas. Taisez-vous vilain. Je sais ce que je dis, vous êtes un monstre. Je ne sais pas pourquoi vous voulez m’ôter le pauvre petit brin de bonheur que j’ai tous les deux jours à aller entendre votre pièce dans un petit coin ? Je n’en ai cependant pas beaucoup d’autres. Enfin puisque vous tenez à me priver encore de celui-là, j’enverrai la loge K [2] mercredi à Pradier. Du reste, je trouve tout simple que n’ayant plus d’exemplaires tu n’en achètes pas pour le lui donner. Il n’est déjà pas si drôle ni si honnête pour que tu t’amuses à faire des frais de procédés envers lui. Je trouve même exorbitant cette loge que tu me prends pour la lui envoyer. Enfin je le ferai puisque tu le veux et je resterai chez moi à regarder la cendre de mon foyer. Si tu pouvais d’ici là avoir deux places présentables pour la mère Pierceau ce serait assez utile attendu que nous nous en servons beaucoup depuis quelque temps et que nous en aurons encore besoin grâce aux Garnier [3] qui pullulent. Deux places de secondes loges suffiraient. Tâche de les avoir pour mercredi. Je t’ennuie, mon pauvre petit homme, mais je sens que c’est nécessaire pour nos affaires à venir car le Démousseau y met vraiment de la complaisance. Il ne faut donc pas être en reste avec lui de bons procédés.
Mon Toto chéri, j’ai bien mal à la tête, je ne sais vraiment pas ce que je t’écris. Je sais que je t’aime et que je te désire, voilà tout. Le reste m’est absolument égal comme deux œufs. Je souffre horriblement, pour un rien je crierais de toutes mes forces.
Je n’ai pas reçu de lettre de ma fille aujourd’hui. Je crains, d’après nos conventions avec Mme Marre, qu’elle n’en soit pas contente. Je m’applique cela sur ma migraine comme calmant, cela ne peut pas mal faire. En attendant j’aimerais mieux un baiser de toi : je ne suis pas difficile n’est-ce pas ? Aussi tu m’en souhaitesc et au besoin tu m’en ratisserais des baisers de toi. Je le sais et je n’en suis pas plus gaie ni plus fière pour cela.
Je n’ai pas pensé à te demander si tu souperais ce soir mais dans l’espoir que tu viendras, je t’ai fait acheter des asperges. Je vous aime mon Toto et je vous baise de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 23-24
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « applatie »
b) « guéri »
c) « souhaite »

Notes

[1Les registres de la Comédie-Française indiquent des représentations les 10 et le 12 avril.

[2La loge K est régulièrement réservée à Juliette pendant les représentations des Burgraves.

[3À identifier.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne