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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 juin 1842

24 juin [1842], vendredi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, avez-vous bien passé la nuit tous les deux, mes chers petits bonshommes ? Je le désire et je l’espère, mes pauvres amours. Quant à moi, je suis à jeter contre un mur ce matin, tant je suis aplatie par le mal de tête. J’en ai la figure décomposée, et je ne sais pas si je pourrai rester levée bien longtemps. Chaque mouvement que je fais, même de remuer les paupières, me cause des douleurs atroces. Vous m’aviez bien promis de venir me guérir cette nuit, mon Toto, et vous m’avez tenu parole comme à l’ordinaire. Aussi, ai-je bien mauvaise grâce à vouloir vous retenir le plus que je peux, quand par hasard je vous ai, et que vous voulez vous en aller sous le prétexte que vous allez revenir tout de suite. Mon cher adoré, je sais bien que vous travaillez, je le sais beaucoup trop, mais je voudrais que vous n’ayez pas la férocité de m’ôter le pauvre petit quart d’heure de grâce que je vous demande au moment de nous séparer pour dix-huit ou vingt heures. Ce n’est pourtant pas bien excessif, mon Toto, et vous devriez me donner ce que je vous demande avec tant d’amour par esprit de justice, vous qui l’êtes tant avec tout le monde, qui n’est pas moi. Jour Toto, jour mon cher petit bien-aimé. Je vous grogne parce que je vous aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 173-174
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


24 juin [1842], vendredi après-midi, 2 h. ½

Je continue à avoir mal à la tête, mon pauvre petit homme, j’en suis encore plus hébétée et plus stupide qu’à l’ordinaire, ça n’est pas peu dire. J’ai les mains si brûlantes que j’y ferais cuire des œufs sans me gêner. Bref, je suis très peu drôle aujourd’hui et j’aurais bien besoin de bonheur pour me refaire un peu. Comment va notre petit cannibale ? A-t-il toujours une faim de loup et continue-t-il à dévorer tous mes pauvres dessins ? Dans toutes ces histoires tristes ou gaies, c’est toujours moi qui paie les pots cassés. Je voudrais bien savoir quand viendra mon tour de les faire payer aux autres. Cela me ferait bien plaisir. En attendant je reste dans mon trou toute seule vis-à-vis de mes poêlons SANS QUEUES. Ça n’est pas drôle mais c’est fort embêtant. Pour me venger je vais faire de la tapisserie à mort. Il serait plaisant que cette fameuse chaise ÉCOLE fût partie pour le 21 uillet, à la rigueur cela se peut peut-être, et je vous réponds que je ne m’y opposerai pas. Nous verrons ce que vous me donnerez en échange. D’ici là, venez le plus que vous pourrez et baisez-moi pour me donner du cœur au ventre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 175-176
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

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