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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 juin 1842

10 juin [1842], vendredi matin, 9 h. ½

Bonjour mon adoré, bonjour, bonjour, ne te tourmente pas, mon Toto chéri, je suis sûre que ce pauvre petit bien-aimé va guérir tout de suite. Mais je voudrais déjà que cette consultation eût eu lieu parce qu’elle te rassurerait et que du contact de ces deux opinions de médecin jaillira un bon conseil qui accélérera la convalescence de notre cher petit malade. J’espère, puisque M. Louis a demandé cette consultation, qu’il la fera le plus tôt possible. Depuis que je t’ai vu triste, tourmenté et malheureux, mon Toto chéri, je ne vis pas. Tes chagrins me touchent plus que les miens, mon pauvre adoré, car ils s’augmentent de tout mon amour pour toi. La pensée que tu es triste me serre le cœur et me rend malheureuse. Je voudrais être à tantôt pour savoir comment ce cher petit a passé la nuit et ce qu’en disent ces messieurs. Je voudrais te voir, mon bien-aimé adoré, pour te rassurer, pour te dire combien j’ai la conviction profonde que ce pauvre enfant ne peut pas être dangereusement malade, je voudrais te voir pour te donner ma confiance, mon cœur, mon âme dans un baiser sur ta bouche.
Je voudrais savoir si tu m’aimes, mon Toto adoré ? Ô oui tu m’aimes, n’est-ce pas, mon Victor chéri ? Je t’aime tant, moi, tu es le bien, toute ma vie et toute ma joie, tout mon bonheur en ce monde et tout mon espoir dans l’autre, que tu ne peux pas ne pas m’aimer, tu n’en as pas le droit. Laissons guérir ce pauvre petit bien-aimé [1] et je te demanderai cela à fond. Je t’adore en attendant.

BnF, Mss, NAF 16349, f. 125-126
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


10 juin [1842], vendredi soir, 9 h. ½

Je sors du bain, mon Toto, épuisée, fatiguée, exténuée, mais je ne veux pas te demander crédit car je ne veux pas attendre une minute de plus pour te demander pardon à deux genoux de mon atroce méchanceté de tantôt. Je ne sais pas où j’avais la tête pour te refuser brutalement une des choses que je désire le plus : te donner à souper. Mon pauvre petit bien-aimé, la poussière, la chaleur, la fatigue m’avaient abrutie au point de me rendre féroce et stupide. Je t’en demande bien sincèrement pardon et je te prie de me donner des grands coups de canne tout à l’heure, tu me feras plaisir. Il y a longtemps que je me serais donné une volée soignéea si je l’avais pu, pour m’apprendre à être la plus méchante, la plus [sale  ?], la plus laide et la plus vieille Juju qui soit sous la calotte des cieux. Je compte sur toi, mon amour adoré, pour me remplacer dans cette circonstance. Tu as un petit souper très gentil : un bifteckb, des haricots verts, des fraises et de l’amour à indiscrétion plus que tu n’en mangeras dans toute ta vie. As-tu enfin eu cette consultation, mon Toto, que disent les médecins [2] ? J’ai hâte de le savoir, il me semble que tu m’apporteras une bonne nouvelle. J’en ai bien besoin mon pauvre amour pour me faire oublier ma méchanceté de tantôt et pour me réjouir le cœur avec toi car il y a bien longtemps que ça ne m’est arrivé. Viens vite, mon Toto, je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16349, f. 127-128
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « soinniée ».
b) « biffeteck ».

Notes

[1François-Victor Hugo se remet d’une maladie.

[2Victor Hugo pense être atteint de la roséole.

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