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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 juin 1842

8 juin [1842], mercredi après-midi, 3 h.

Vous sentez, mon Toto, que je ne crois pas à votre FALLACIEUSE promesse et que je fais tout comme si vous ne m’aviez rien promis du tout. Je sais trop bien que vous n’êtes pas homme à me donner le même jour L’UTILE et L’AGRÉABLE, une promenade au soleil et vos llunes dans mon lit. Aussi je fais mes petites affaires comme si vous ne deviez jamais me faire sortir de la vie. Je crois que j’ai raison et que j’agis sagement. Dites donc, mon petit homme chéri, si ma demande vous paraît indiscrète, je vous prie de l’oublier et qu’il n’en soit plus question du tout, jamais. Dieu sait que je ferais bon marché de ma coquetterie si vous me donniez du bonheur à la place. Pour un voyage, je donnerais, je vendrais et j’engagerais jusqu’à ma dernière chemise, quitte à montrer mes llunes à tous les passants. Mais n’avoir rien de rien ce n’est pas assez et le besoin d’une robe se fait généralement sentir. C’est pourquoi, mon amour, je vous ai prié tantôt de [tondre  ?] sur vos omelettes de quoi m’en avoir une pauvre petite, mais je vous le répète, ne vous en tourmentez pas. J’aime encore mieux la plus petite culotte de Marronniersa que la plus fameuse robe de Barèges. Si vous ne pouvez me donner ni l’une, ni l’autre, je me résignerai comme je pourrai et nous n’en serons pas moins mauvais amis pour ça. Baisez-moi, monsieur Cognard, et que cet effort ne vous donne pas une pleurésie ni une roséole, je ne m’en consolerais jamais. Voime, voime mais je me f...iche du procureur du roi et de Toto, voilà comme je suis, moi, à pied et à cheval et en bien autre chose encore. À propos, je ne ris plus avec vous car je me souviens d’un certain passe-lacet [1] de coulisse dans lequel probablement vous avez enfilé plusieurs choses et plusieurs fois. Sacristie, ne vous y fiez pas, car je vous tuerai comme un chien sans aucune pitié et sans la moindre émotion. Prenez garde à vous très sérieusement.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 121-122
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « Maronniers ».

Notes

[1Passe-lacet : « petite tige de métal au moyen de laquelle on passe les lacets dans les œillets des corsets » (Grand Larousse universel du XIXe siècle)

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