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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 juin 1872

Paris, 15 juin [18]72, jeudi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon plus que bien-aimé, bonjour, mon adoré. J’attends de bonnes nouvelles de ta nuit. Quant à celles concernant la mienne elles sont tellement piteuses que je les garde pour moi. Je désirerais, mon cher bien-aimé, que la partie projetée pour vendredi prochain soit avancée ou reculée à cause du pèlerinage que je ferai ce jour-là, 21 juin, à la tombe de ma Claire [1]. Ce sera la première fois depuis vingt-deux ans qu’il me sera donné de pouvoir l’accomplir. Je te supplie de ne pas t’y opposer et de me permettre de consacrer ma matinée à ce devoir pieux, triste et doux car la prière appelle et rapproche les âmes des morts auprès des vivants. Je compte donc sur toi, mon adoré bien-aimé, pour transposer le projet de vendredi prochain à un autre jour sans appeler l’attention sur moi à cette occasion-là. Tu sais combien je pèse peu ordinairement sur les arrangements de ta vie, c’est pourquoi je compte sur ton indulgence aujourd’hui.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 168
Transcription de Guy Rosa


Paris, 15 juin [18]72, samedi soir, 4 h. ½

Mon cœur ne te tient pas quitte parce que tu as eu la bonne pensée de venir tantôt et parce que tu as emporté mon gribouillis vingt-quatre heures plus tôt que d’habitude. J’entends et je prétends te forcer à faire de nouveaux frais de lecture demain matin avec cette restitus de rabiot. Cela t’apprendra à venir me relancer chez moi au moment où je n’espère pas te voir : attrapé ! Te voilà averti, c’est à toi à être sur tes gardes. Quant à moi je suis décidée à lâcher la bride à mes restitus chaque fois qu’il t’arrivera de montrer le bout de ton nez hors de tour. Dame, coutez dont citoyen, on se venge comme on peut.
J’ai annoncé ce matin à mon personnel que tu avais le projet d’aller très prochainement à Guernesey [2], ce qui a fait sourire de bonheur la vieille ; quant à la jeune Blanche elle m’a paru assez calme devant cette nouvelle mais la mère Lanvin en a été émue jusqu’aux larmes, ce qui m’a fait lui dire qu’en aucun cas je n’emmènerais sa fille si elle me le demandait et si cela leur rendait service à toutes les deux. Ai-je bien fait mon maître ? Répondez.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 169
Transcription de Guy Rosa

Notes

[1Claire Pradier, la fille de Juliette, est morte le 21 juin 1846.

[2Hugo partira en août, pour près d’un an, à Guernesey, avec Juliette. C’est lors de ce long séjour qu’il commencera une liaison durable avec la jeune Blanche Lanvin, servante récemment engagée.

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