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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 août [1839], mardi matin, 10 h. ½

Quel bonheur mon petit homme, quel bonheur. J’entendrai ton premier acte ce soir [1]. Je suis si bête que je n’ose pas dire tout le plaisir que ça me fait. J’aime mieux t’admirer en dedans que d’être ridicule en voulant parler un IDIOME que je ne connais pas, et qui me ferait prendre un BŒUF pour un VEUF et un VEAU pour un BEAU. Je t’aime, voilà la seule langue que parle mon cœur. Quanta à mon esprit, il est sourd et muet de naissance, ce qui ne l’empêche pas de sentir les belles choses et d’admirer son Toto. Je vais écrire tout à l’heure à Mme Krafft et à Jourdain. Je ne veux pas perdre une minute pour nos préparatifs, car aussitôt ta pièce finie nous partons, du moins je l’espère ainsi.
Dites donc mon petit homme, j’ai joliment bien fait de prendre le bonheur au passage cette nuit ? Un bon TIENSb vaut mieux que DEUX TU AURAS. C’est joliment bien vrai dans cette occasion-ci. Baisez-moi vieux vilain et aimez-moi. J’ai bien du courage et beaucoup de résignation et je vous aime de toute mon âme. Trois choses dont une seule suffirait pour inspirer de l’amour à un homme ordinaire. Je vous dis que je vous aime. J’ai mal à la tête, je suis stupide mais je vous aime. Vous seriez bien gentil de venir dans la journée me voir, ça me donnerait un peu de bonheur, ce qui ne nuirait pas à mes affaires.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 223-224
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « Quand ».
b) « TIEN ».


13 août [1839], mardi soir, 5 h. ¾

C’est ce soir mon petit homme, c’est ce soir que j’entends tes admirables vers. Je suis dans un ravissement qui ne peut s’accroître qu’en te voyant et qu’en t’entendanta. Je ne pèse pas une once depuis cette nuit : l’espoir d’entendre mon cher GRAND premier acte m’a rendue comme une plume. Pour un rien je danserais de joie. Jour mon petit o. Jour mon beau To. Ce soir je vous baiserai bien. J’ai envoyé chez Jourdain les 30 francs dont j’ai le reçu. Nous voilà débarrassés de lui jusqu’à notre retour lorsque nous ferons arranger la chambre. Oh ! que je suis contente. Baise-moi qu’on vous dit, baise-moi, baise-moi. Je vous ai à peine entrevu. Eh bien je suis joyeuse comme si j’avais passé la journée tout entière avec vous. L’espoir du bonheur de ce soir suffit pour me faire cette illusion. Ainsi juge du reste. Quel bonheur ! quel bonheur ! Par exemple, si les petites Besancenot sont là quand tu viendras je les renvoieb impitoyablement. Tant pis pour elles mais je ne retarderai pas d’une seule minute mon bonheur, fût-cec pour le diable ou Louis-Philippe. Je vous aime mon Toto. Vous ne savez pas combien je vous aime. C’est plus que vous ne pouvez imaginer ni souhaiter.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 225-226
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « t’endant ».
b) « renvoye ».
c) « fusse ».

Notes

[1Hugo écrit Les Jumeaux, qu’il ne terminera pas.

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