Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1839 > Août > 5

5 août 1839

5 août [1839], lundi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon petit bien-aimé, bonjour mon petit homme. Je ne vous dis pas que vous n’êtes pas venu puisque vous le savez aussi bien que moi, et que d’ailleurs je ne vous attendais pas puisque vous avez pris la mauvaise habitude de ne venir déjeuner que toutesa les trois semaines. Je ne jette pas les cris que je devrais dans une pareille circonstance parce que je vois à l’horizon la diligence promise, et tout un bon mois de bonheur et d’amour. Ceci est un bâillon qui m’empêche d’exécuter mes vociférations à pleine poitrine ; je ne peux pousser que quelques grognements sourds et mal articulés, telsc que : « vous ne venez pas me voir mon Toto », « Je suis triste mon amour », « Voilà bientôt un mois que vous ne m’avez donné signe… d’existence » et touted espèce de plaintes aussi légitimese et très peu écoutées. Mais aussi, gare le mois qui vient. Je veux et je prétends me récupérer de tout ce qui m’a manqué cette année, en joie, en plaisir et en bonheur. Je serai impitoyable, je vous en préviens, ainsi préparez-vous A TOUT. Sais-tu, mon pauvre bien-aimé, ce qui me restera de l’argent que tu m’as donné hier, le blanchisseur et la dépense payésf : 7 francs !!!g En vérité, c’est à ne pas y croire, et si je ne tenais pas ma dépense moi-même je penserais qu’on me prend mon argent. Cependant je ne m’achète pas les futilitésh que les femmes se donnent ordinairement. Je t’aime trop pour cela. Et cependant ça ne m’empêche pas de dépenser énormément d’argent. Je n’y comprends rien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 191-192
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « tous ».
b) « telle ».
c) « tout ».
d) « plainte aussi légitime ».
e) « payée ».
f) Les trois points d’exclamation courent jusqu’à la fin de la ligne.
g) « futilitées ».


5 août [1839], lundi soir, 7 h. ½

Vous avez été bien absurde, mon bijou, tout à l’heure, mais je vous pardonne en faveur du jour de boni [1] que vous m’accordez en sus de mon mois. À ce prix je vous permets d’être aussi bête et aussi méchant que vous voudrez. Vous devez une fameuse chandelle à mon amour car plus vous êtes féroce, plus vous me faites du mal et plus je vous aime. Je dois cependant vous dire que les moyens tout à fait opposés ont le même résultat ; ainsi plus vous êtes bon et charmant et plus je vous adore. Vous avez donc le CHOIX. Moi je ne l’ai pas, c’est différent. Je vous aime, je vous aime et je vous aime. C’est toujours la même chose. J’ai chez moi les petites Besancenot qui me cornent aux oreilles vos louanges, mais moi je sais à quoi m’en tenir, et je me dispense de faire chorus, c’est bien assez de vous pardonner. Je vous en veux un petit peu d’avoir gâtéa mon petit plaisir de tantôt. C’est-à-dire je ne vous en veux pas, c’est un marché fait, mais je suis triste et je commence à croire que vous auriez dû me donner deux jours au lieu d’un. Je laisse cela à votre conscience et à votre générosité. Baisez-moi. Aimez-moi, et ne venez pas trop tard. J’ai besoin de vous voir et de vous baiser sur toutes les coutures.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 193-194
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « gâter ».

Notes

[1Boni : supplément, bonus.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne