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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 décembre [1836], dimanche matin, 11 h. ½

Bonjour mon cher petit homme adoré. Je t’aime.
J’ai passé une nuit blanche. À 5 h. ½ du matin je n’avais pas encore dormi. Je ne sais vraiment pas ce que cela veut dire, mais je sens que cela me fatigue beaucoup. Si tu le permets je ferai venir mon médecin. Peut-être quelques conseils dans mon régime suffiront-ils pour arrêter ce désordre physique.
Comme tu en étais prévenu, j’ai envoyé chercher ce matin mon chapeau et mon bonnet. J’ai eu la curiosité de les essayer tout de suite. Le résultat m’a peu satisfaite. Tu jugeras toi-même si j’ai eu raison. Mais que je vous aime donc, mon cher petit Toto, tous les jours plus, comme si ce n’était pas impossible depuis la nuit du 17 février 1833 [1]. Cependant ce phénomène, tout incompréhensible qu’il soit, est. Seulement, vous, je crains que vous n’ayez fait autant de pas en arrière que j’en ai fait en avant, ce qui expliquerait trop bien l’éloignement que je remarque avec effroi entre nous deux, quoi que je fasse et quoi que je sente. Mon cher bien aimé, je t’en prie, aime-moi un peu bien fort, rien que pour être juste envers moi. Je t’aime tant, moi. Je te suis si fidèle et si dévouée. J’ai tant d’adoration pour toute ta personne qu’il serait bien que tu eusses un peu d’affection pour celle de ta pauvre Juju.

BnF, Mss, NAF 16328, f. 229-230
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette


11 décembre [1836], dimanche soir, 5 h.

Mon cher petit homme, le mauvais temps vous fait peur, à ce qu’il me paraît. À moins cependant que vous ne pensiez pas à moi, pas plus que si je ne vous avais jamais aimé, ce qui est très possible et très probable.
Il m’est venu une lettre de la part du Colonel M. de Barthès, carte du café de la Régence. Je n’avais pas voulu la décacheter d’abord, remettant à un autre moment le soin de lui répondre, mais le commissionnaire à insisté avec tant d’instance que j’ai pris connaissance de la lettre et lui ai donné une réponse de deux lignes provisoirement, me réservant de prendre ton avis sur celle que je lui ferai plus tard. Mais ce n’est pas ce qui m’occupe en ce moment.
Je voudrais vous voir, je voudrais baiser votre belle petite bouche rose, je voudrais savoir ce qui vous retient loin de moi. Enfin j’ai besoin de vous toucher, de vous sentir et de vous humer par tous les pores. C’est clair et très pressant et vous êtes un fameux GOISTAPIOU si vous vous refusez à mes exigencesa.
En attendant je bisque, je rage sans avoir la consolation de manger du fromage et je gèle sans feu et sans flamme. À QUI LA FAUTE ? et moi qui avais compté sur le feu de vos passions !

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 231-232
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « exigeances ».

Notes

[1La première nuit d’amour entre Victor et Juliette (du 16 au 17 février) est célébrée chaque année par Hugo par une lettre écrite à Juliette dans le Livre de l’anniversaire. Il s’en souviendra aussi dans Les Misérables, en datant le mariage de Cosette et Marius du 16 février.

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