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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 octobre [1836], lundi, midi ½

Mon cher petit homme, si j’ai été méchante comme une oie dans le courant du mois, je veux au moins que le dernier jour efface tout d’un trait les méchancetés dont je me suis rendue coupable. C’est donc à cause de cela, et puis parce que je t’aime de toute mon âme, que je serai très bonne et très douce aujourd’hui. J’aurais voulu dire très gentille, mais il ne faut pas promettre plus qu’on ne peut tenir. Vous avez beau jouer le rôle du serpent, je ne vous donnerai pas du tout la réplique de notre mère Ève. Je me garderai de toucher à aucun de ses fruits plus ou moins véreux et pierreux que vous laissez avec tant de perfide sous mes yeux.
Je viens d’envoyer la lettre de Jourdain à la poste. Je crois que ce ne sera pas trop tôt mercredi car la saison est vraiment très rigoureuse.
À bientôt mon amour, je vous aime, je vous chéris de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 92-93
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette


31 octobre [1836], lundi soir 5 h. ¾

Mon cher petit Toto, je vous aime, j’ai le cœur rempli d’amour quoique j’aie les pieds à la glace. Je n’ai pas encore allumé de feu parce que j’ai travaillé dans la salle à manger.
Je suis très gentille, style Dorval [1], non mais là, je suis très bonne, très douce et je reconnais que j’ai été très méchante et très bête tous ces jours-ci.
À propos du chapeau de 125 F je vous le montrerai et vous y verreza joint un demi voile de [blonde ?] de 75F. Je vous ferai passer en revue tous les articles et vous verrez que je ne vous trompe par sur les prix.
Je n’ai pas lu le plus petit journaleule. Je n’en veux pas lire. Je tiens trop à ce que me reste d’yeux pour les si mal employerb. Je persiste donc dans ma résolution.
En attendant et malgré le mépris que je professe pour toute la presse à colonne à entre filet etc., je vous aime, je vous aime et je vous aime.
Je voudrais bien que vous ayez assez froid pour sentir le besoin de venir vous réchauffer au coin de mon feu. Je vous caresserai bien, je vous baiserai bien, je vous bouchonnerai très bien [2].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 94-95
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « verrai ».
b) « emploier ».

Notes

[1Marie Dorval est une célèbre actrice des boulevards, qui, engagée à la Comédie-Française, joue le rôle de Catarina dans Angelo tyran de Padoue. Juliette en est très jalouse.

[2Citation de Molière, L’École des Femmes, acte V, scène 4, où Arnolphe dit à Agnès : « Sans cesse nuit et jour je te caresserai,/ Je te bouchonnerai, baiserai, mangerai. » (v. 1594-1595).

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