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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 octobre [1836], mardi matin, 9 h. ½

Bonjour mon cher vilain petit homme, c’est donc tous les jours que vous m’attrapez à présent ? C’est agréable. Moi, je vous tiens fidèlement toutes les promesses que je vous fais, aussi hier au soir à minuit moins cinq minutes j’étais couchée et toutes mes lumières éteintes. Ça ne m’a pas fait passer une meilleure nuit et j’ai aussi mal à la tête ce matin qu’hier, ce qui est peu amusant.
J’espère, mon cher amour, que vous me ferez l’honneur de venir déjeuner avec moi ? Si vous ne veniez pas je croirai que vous ne m’aimez plus et que vous payez de la viande à une femme qui veut de vous.
En attendant je vais faire préparer le déjeuner.
Je vous aime malgré toutes vos trahisons prouvées. Je vous aime de toute mon âme et mon seul désir, ma seule joie, c’est de vous revoir bientôt.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 46-47
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette


18 octobre [1836], mardi soir, 5 h.

Je ne peux pas m’empêcher de craindre que vous ne soyez à Fourqueux cette fois ci. Comme vous m’avez affirmé qu’on n’était pas revenu de la campagne et qu’il y a quelques jours que vous n’y êtes allé. J’ai tout lieu de croire que vous y serez allé ce soir.
Voici bien des jours que je passe à vous attendre y compris les nuits sans que cela m’avance à grand chose puisque vous ne venez pas. Si j’osais, je me fâcherais tout rouge mais je n’ose pas dans la crainte d’être injuste. Ce qui fait que je ronge mon refrain en dedans au risque de m’étrangler.
Je ne sais pas ce que cela veut dire, mais je souffre toujours vraiment. Je m’avance à grands pas vers la caducité. Je ne vois plus pour moi d’autre emploi possible en supposant que je m’arrête à ce dernier progrès, que celui de la MÈRE AUPI, au Théâtre Royal de M. Dorsay [1]. Encore me faudrait-il des protections.
Malheureusement LE CŒUR NE VIEILLIT PAS, disent toutes les vieilles bonnes femmes, ce que je répète après elles avec encore plus de conviction puisque je vous aime.

BnF, Mss, NAF 16328, f. 48-49
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Dorsay avait racheté le théâtre de Mme Saqui, sur le boulevard du Temple, spécialisé dans les acrobaties et l’équilibrisme. Aussi la menace de Juliette n’est-elle pas à prendre au sérieux, tout comme l’expression « théâtre royal » est ironique.

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