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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 4 septembre 1860, mardi matin, 7 h. ½

Cher adoré bien-aimé, je t’envoie ce matin, plus particulièrement encore que tous les autres jours, mon bonjour le plus tendre et le plus religieux. Déjà j’ai remercié avec la plus vive et la plus sainte reconnaissance ton doux angea et le mien [1] pour la journée bénie qu’ils nous ont donnée hier [2] et je leur ai demandé de m’inspirer tout ce qui peut te faire la vie facile et heureuse. J’espère que cette prière partie du plus profond de mon cœur et de mes entrailles sera entendue par ces deux chères âmes et qu’elles m’exauceront et m’aideront dans cette pieuse et radieuse tâche.
Comment as-tu passé la nuit, mon cher bien-aimé ? La petite excursion si charmante et si douce d’hier ne t’a pas trop fatigué j’espère ? Quant à moi j’ai dormi toute la nuit et je vais admirablement bien ce matin. Tu as pu voir hier combien ma santé est solide et réelle malgré mes petits tiraillements nerveux. Du reste comment ne pas se ressentir de la bienfaisante influence de ton contact et de celui de cette admirable nature de Serk qui ressemble à un Éden de granit et d’océan. Pour moi je respirais la santé, le bonheur et la vie par tous mes sens à la fois et je bénissais Dieu et je remerciais nos deux anges avec des paroles de l’âme que ma bouche n’avait jamais dites et ne pourra jamais dire en langue humaine. Mon émotion intérieure était si grande que j’osais à peine m’approcher de toi et te parler dans la crainte de faire jaillir de nos regards et de nos paroles des étincelles et des flammes visibles même pour les indifférents. Mais rien n’est perdu, mon divin bien-aimé, j’ai tout gardé en moi hier pour te le rendre en baisers et en tendresses quand tu voudras. En attendant que tu me demandes cette répartition de mon bonheur pour ton amour, je te donne cette longue RESTITUS dont tu n’as pas trop besoin peut-être mais que j’ai bien de la douceur à t’écrire en ce moment. Et puis, je te le répète, mon ineffable adoré, je t’envoie à cette date sacrée pour toi et pour moi tout ce que j’ai de meilleur, de plus vénérable et plus adorable dans le cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16381, f. 231-232
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « anges ».

Notes

[1Souvenir de Léopoldine Hugo, dont c’est l’anniversaire de la mort (survenue le 4 septembre 1843), associée à l’autre « ange » morte prématurément, Claire Pradier, fille de Juliette, emportée par la tuberculose le 21 juin 1846.

[2La veille, Hugo, Juliette et quelques amis ont fait une excursion à Serk.

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