1er janvier 1881

Paris, 1^er janvier 1881, samedi soir, 5 h.

Cher bien aimé, il faut que ce soit bien impossible à moi de marcher pour avoir refusé de t’accompagner dans ta petite promenade ce soir. Autrement je m’en serais fait une joie comme autrefois. Aujourd’hui, hélas ! cela me devient de plus en plus impossible et quels que^a soient ma volonté et mon courage, je suis forcée de compter avec mes impitoyables bobos. Interrompue pendant une demi^b heure sans avoir distrait une minute le train-train de mon cœur qui ne bat que pour toi à tous les instants du jour et de la nuit.
Maintenant, mon doux adoré, je crains de n’avoir pas le temps d’achever mon tendre papotage à cause de l’heure avancée. Mais la quantité de lignes et de mots ne saurait rien ajouter ni rien diminuer à mon amour. Je t’aime, je t’aime, je t’aime depuis A jusqu’à Z. Et jusque dans les profondeurs de l’éternité [1] !
Je te prie de me permettre d’être gaie et heureuse par toi et pour toi, aujourd’hui en particulier puisqu’on dit que cela porte santé et bonheur pendant toute l’année. Il sera temps demain de reprendre la gravité de tous les jours. En attendant soyons gais, je suis gai [2], et aimons-nous dans la joie que Dieu nous envoie ce premier jour de l’année.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 1-2
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

[Massin, Souchon]
a) « quelque ».
b) « demie ».