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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 mars 1840

Jeudi 5 mars [1840], après-midi, 1 h. ½

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour mon pauvre amour. Comment vas-tu mon cher bien-aimé ? Tu auras sans doute passé la nuit à travailler et tu te seras bien fatigué et tes beaux yeux aussi ? Voici un moment terrible pour toi que celui-ci, mon Toto, je voudrais que tu me permissesa de t’aider à le franchir en vendant quelque chose. Je serais bien plus tranquille et bien plus heureuse si tu voulais me laisser te donner ce petit coup d’épaule.
Je te ferai souvenir aussi que je n’ai plus rien à copier et que j’en voudrai à mort de la copie. J’aimerais mieux ça que de faire mes comptes de février comme aujourd’hui. Ah ! quel ennui ! J’aimerais mieux cent coups de trique que de faire des vieux comptes. Ce n’est pas une médiocre preuve d’amour que je te donne, mon Toto, chaque fois que je les fais, tu peux bien me croire. Mais pour me récompenser et pour me régaler tu devrais m’apporter à COPIRE, il n’est pas juste que ce soit Mlle Didine qui ait tout le plaisir, d’ailleurs elle n’écrit déjà pas si bien. C’est une prévention défavorable que vous avez contre moi et mon écriture qui vous fait donner la préférence à cette petite scélérate. Autrefois c’était les jambes des poulets dont on la comblait au grand désespoir de Charlot, maintenant ce sont vos vers dont vous l’abreuvez en me faisant un horrible passe-droit, mais je ne le souffrirai pas sans crier de toutes mes forces, entendez-vous ? Baisez-moi toujours et aimez-moi si vous pouvez. Venez me voir très tôt et ménagez vos beaux yeux. Tâchez de venir très tôt, j’ai besoin de vous voir et de vous baiser depuis la tête jusqu’aux pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 232-233
Transcription de Chantal Brière

a) « permisse ».


5 mars [1840], jeudi soir, 6 h. ½

Je vais prendre un bain, mon cher petit bien-aimé, parce qu’il y a un mois que je n’en ai pas pris et que je profite de ce que vous ne me faites pas sortir pour me plonger dans l’onde. À propos j’ai mon ours, une petite bouteille de 25 sous pas plus haute que çaa, dans les petits pots sont les bons onguents. J’espère que dans les petites bouteilles ce sera tout pareil. Mme Pierceau est bien triste, son petit garçon est encore malade. Elle nous fait bien ses compliments ainsi que le Démousseau qui y était au moment où Suzanne apportait les souliers. À propos de Suzanne j’en suis assez mécontente depuis hier. Cela ne m’étonne pas car je t’en faisais l’éloge il y a trois ou quatre jours et rien ne porte malheur comme cela. Au surplus si cela devenait par trop insupportable le remède est… à la porte ; remède quelquefois pire que le mal mais dont [on] est obligé de se servir. Vous étiez bien farce tantôt en me demandant compte des morceaux de papier de mon buvard. Voime, Papa est bien i, je m’en fiche. Je vous aime, voilà ce qu’il y a de bien vrai, de bien bon et de bien doux. Je voudrais être aussi sûre de votre amour que vous l’êtes du mien, cela me mettrait joliment de la joie dans le cœur. M’aimez-vous, vieux scélérat, m’aimez-vous ? Dites-le tout de suite et revenez m’embrasser et me tripoter dans mon bain. Je compte sur vous pour me frotter et pour m’essuyer d’abord. Baisez-moi alors, baisez-moi et aimez-moi de tout votre cœur et de toute votre âme à mon exemple.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16341, f. 234-235
Transcription de Chantal Brière

a) Juliette a dessiné un petit flacon ou une petite bouteille avec un bouchon.

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