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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 septembre [1841], dimanche soir, 9 h. ½

Je t’écris bien tard, mon adoré, car ma pendule retarde d’une demi-heurea [1] donc il est dix heures à présent. Mais je n’ai eu fini mes triquemaques que juste pour l’arrivée de Mme Pierceau, de sorte que force m’a été d’attendre qu’elle soit partie pour le faire, mon gribouillis [2]. Le petit Pierceau s’est en allé malade et la pauvre mère sensb dessus dessous comme toujours. Ma servarde aussi est malade et elle s’est allée coucherc aussitôt que nous avons eu fini de dîner, ce qui est cause que je ne suis pas sous CLEF ce soir. Mais je n’en abuserai pas, soyez tranquille. Les petites Bensancenot sont venues passer la soirée à la maison et m’ont apporté deux pierres EN CARTON POIRE que vous pourrez contempler tout à l’heure mais que je vous défie de mordre sous aucun prétexte. Vous êtes un affreux monstre de ne m’avoir pas apporté mon pot à goulot [dessind] et mon vase à anse [dessine]. Une autre fois j’irai les chercher moi-même et si, pas plus tard que demain, vous ne me les apportez pas, vous me verrez apparaître ma tête à la main demandant mes deux pots et bien autre chose encore. Ainsi dépêchez-vous, dépêchez-vous, dépêchez-vous, ça brûle.
Je comprends moins que jamais la gamme chromatique des chemises à jabot et des chemises de couleur et l’usage immodéré des gants blancs et des gants de couleur. Autrefois, quand vous m’aimiez, vous en usiez une paire tous les trois mois ; maintenant vous en usez trois paires tous les jours. Qu’est-ce que cela veut dire ? Et à qui voulez-vous plaire, brigand [3] ? N’espérez pas me tromper longtemps, je vous surveille de près et je vous pincerai une si bonne fois que vous n’aurez plus envie de recommencer. En attendant, marchez droit [illis.].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 217-218
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « demie heure ».
b) « sans ».
c) « couchée ».
d) Dessin du pot.
e) Dessin du vase :

© Bibliothèque Nationale de France

Notes

[1C’est visiblement un choix de Juliette Drouet (il s’agit parfois d’une heure ou de trois quarts d’heure), puisqu’elle le rappelle à de nombreuses reprises, et ce depuis plusieurs années (voir les lettres du 21 décembre 1840, du 21 et 22 janvier, 22 et 27 mars 1841).

[2En général, le dimanche soir, quelques amies de Juliette Drouet viennent dîner chez elle. Il s’agit de Mme Triger, de Mme Guérard, de Mme Bensancenot et de Mme Pierceau, beaucoup plus rarement de Mme Krafft.

[3Juliette déplore et suspecte l’élégance jusqu’alors inusitée de Hugo, consécutive à son élection à l’Académie française.

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