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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 juillet [1847], jeudi matin, 7 h. ¾

Bonjour, Toto, bonjour mon cher petit o, bonjour et bonheur à vous et à tous ceux que vous aimez. Eh ! bien, à quand la culotte ?
[Dessina]
Je veux vous amorcer en vous montrant un petit échantillon de mon savoir-faire, seulement je vous prie de vous dépêcher parce que je ne serai pas toujours aussi en train que ça. Vous comprenez que lorsque je ferai la véritable copie de votre gribouillis, tous les détails qui échappent dans un espace aussi exigu reparaîtront dans leurs plus petites minuties. Mais je ne saurais trop vous le répéter, il faut vous hâter et me prendre dans le bon moment d’une généreuse faiblesse. Plus tard je pourrais me raviser et me souvenir de ce que je vaux et ne pas vouloir achever ce marché de dupe : cette simple CULOTTE pour un chef d’œuvre !
Tu sais mon petit Toto que je serai seule à partir de midi. Ce n’est pas que je veuille faire de la présence de Suzanne un contrepoids à ton absence, mais je veux seulement te rappeler que c’est aujourd’hui fête de JULIETTE [1] et qu’il me serait très doux d’en grignoter un petit morceau dans ta chère petite personne adorée. Maintenant je n’ajoute plus rien à cet avertissement que tu ne liras d’ailleurs que lorsque le dernier lampion sera éteint et que ta pauvre Juju roupillera nez à nez avec sa veilleuse. Dans ce moment-là, mon adoré, je te prie de m’envoyer un baiser le plus tendre que tu pourras afin qu’il m’arrive en rêve sous ta chère petite forme et qu’il me tienne douce compagnie jusqu’au lendemain. En attendant, je t’attends, puissé-je ne pas t’attendre longtemps et passer toute ma journée avec toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 164-165
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) Dessin :

© Bibliothèque Nationale de France

29 juillet [1847], jeudi, midi ¾

Je n’aurais rien à désirer, mon Toto, si tu venais passer tout cet après-midi avec moi ; malheureusement cela n’est guère probable. Cependant je ne veux pas me porter malheur d’avance en désespérant. Je désire, j’attends et j’espère. Je vais envoyer tout à l’heure chez Julie [2] pour savoir si on lui permettra de sortir tantôt, ce dont je doute. Je ne veux pas sortir de chez moi pour y aller moi-même dans la crainte que tu ne viennes pendant ce temps-là. J’aime mieux lui écrire un petit mot par Suzanne.
Mon Dieu, quand donc me mettras-tu à même de Jean Tréjean [3] ? Rien n’est plus irritant que cet immense temps d’arrêt que tu mets entre ma curiosité et la copie de ce sublime misérable. Il y a des moments où j’ai d’affreuses tentations d’ouvrir le buvard et de me gorger de manuscrit jusqu’à extinction de lignes. Si je ne succombe pas à ces horribles démangeaisons, rendez grâce à ma vertu et taisez-vous.
Je viens de voir Louise [4] qui me dit que sa sœur ne pourra pas sortir tantôt. Je suis donc sûre d’être entièrement seule toute la soirée, à moins que tu n’aies pitié de moi, ce qui n’est peut-être pas impossible. Je me confie en ta générosité et je prends courage et patience en attendant mieux. Mon petit Toto adoré, mon amour bien aimé, je te souhaite, je te désire, je t’aime, je t’attends et je t’adore. Ce chapelet égrené, je le recommence sans que ma foi en toi faiblisse un seul moment.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 166-167
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

Notes

[1La Sainte Juliette est en réalité célébrée le 30 juillet, et Hugo et Juliette célèbrent déjà plus régulièrement la Sainte Julie le 22 mai.

[2Il s’agit de Julie Rivière.

[3Le 1er juin, Victor Hugo a repris la rédaction des Misères, futurs Misérables, qu’il avait interrompue le 18 avril pour préparer un discours sur les prisons. Juliette Drouet est donc impatiente de recopier l’œuvre à nouveau. Le personnage principal ne s’appelle pas encore Jean Valjean, mais Jean Tréjean.

[4Il s’agit de Louise Rivière.

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