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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 novembre [1841], samedi, midi ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon amour chéri. Comment vas-tu ? Moi, je dors d’une manière scandaleuse comme tu vois et je suis furieuse contre moi, surtout aujourd’hui que j’ai À TRAVAILLER. Je vais joliment me dépêcher aussi pour rattrapera le temps que ma paresse m’a fait perdre.
Suzanne a rapporté ton paletot et tu auras le rouge jeudi prochain [1]. Quantb à moi, je n’ai plus qu’un mois et dix-sept jours, comme tu sais, pour avoir ma boîte à volets, mais je trouve que c’est encore bien long. Cependant, la certitude d’en être légitime propriétaire à cette époque me donne le courage et la patience d’attendre [2].
Je suis enrhumée comme un loup, je ne fais que moucher et qu’éternuer. J’ai le nez comme une pomme de terre, les yeux tout gonflés et les lèvres toutes TUMÉFIÉES. Bref, je suis hideuse et je crois que je n’en resterai pas là à en juger par la véhémence de mes éternuementsc. J’aurais autant aimé autre chose mais je n’avais pas le choix. Atchi atchi atchi, at, at, at, at, atCHI. Voilà ma musique depuis que je suis éveillée, quelle affreuse chanson. Baise-moi, toi, et tâche de n’être pas trop joli pour ne pas me faire trop honte ou je te fiche des coups sur ton nez TUMÉFIABLE. Baise-moi, scélérat, et viens bien vite me dire : Dieu vous bénisse, ça me guérira peut-être et cela me fera plaisir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 113-114
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « rattrapper ».
b) « Quand ».
c)« éternuments ».


13 novembre [1841], samedi soir, 4 h. ¾

Je n’ai pas encore commencé à copier mais je vais m’y mettre sans interruption jusqu’à ce que ce soit fini. Ainsi, mon bon petit bien-aimé, tu ne perdras rien pour attendre.
À propos, j’ai envoyé Suzanne chez le Barbedienne avec le médaillon pour savoir au juste si on pouvait faire ton cher petit portrait dans cette dimension et de cette forme-là. Il a répondu que oui et il a gardé le médaillon en or pour le faire exactement pareil et dont la lettre en réponse à la mienne fait reçu. Du reste, je lui ai écrit à peu près la lettre que tu m’avais ditea un soir. Ainsi, mon amour, me voilà presque sûre d’avoir ton cher petit portrait sur mon cœur sans débourser un sou pour la monture, ce qui n’est pas à dédaigner. Quant au petit buste, il est au moulage et je l’aurai d’un moment à l’autre [3]. Quel bonheur ! Oh ! oui, mon adoré, un vrai bonheur. Tout ce qui te multiplie autour de moi est une source de ravissement et de joie pour mon cœur. Je t’aime, mon Victor adoré, je t’aime bien, va.
Comment vas-tu, mon cher petit bien-aimé ? Où es-tu ? Que fais-tu ? M’aimes-tu et te verrai-je bientôt ? Il y a bien longtemps que je te désire depuis que tu as fermé la dernière porte de ma maison. J’ai faim et soif de toi, est-ce que tu ne vasb pas venir tout de suite ? J’espère que votre visite à Mlle ClémANCEc rue Montmorencyd ne s’est pas prolongée jusqu’à présent et que vous vous serez gardé un peu de vous pour moi ? Venez donc vite me le donner.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 115-116
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « dit ».
b) « va ».
c) Le prénom est souligné de deux traits fins. Est-ce Clémence ou Clémance ?
d) « Monmorrenci ».

Notes

[1Voir la lettre du mardi précédent. C’est Eulalie qui s’est occupée du premier paletot, noir.

[2Juliette parle d’une petite boîte à tiroirs qu’elle réclame depuis le début de l’année, et que Hugo a promis de lui offrir pour le nouvel an. Cela fait quelque temps qu’elle fait ainsi le décompte des jours qui la séparent encore de ce cadeau tant attendu qu’elle recevra finalement en avance le 19 novembre.

[3Juliette fait fondre par Ferdinand Barbedienne (industriel français connu pour sa fonderie de bronze de reproduction d’art), un buste de Hugo qu’elle recevra enfin le 29 novembre. Dans sa transcription d’une lettre de novembre 1841, Jean-Marc Hovasse émet l’hypothèse qu’« il s’agit très vraisemblablement d’un buste en bronze, lauré ou non, par David d’Angers, fondu par F. Barbedienne. Certains laurés sont datés de 1842, d’autres, sans laurier, sont sans date ».

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