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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 janvier [1841], lundi soir, 5 h. ½

Je viens de me lever à l’instant, mon Toto, pour ne pas me laisser devenir malade tout à fait en restant au lit plus longtemps. J’ai la tête si douloureuse que le séjour au lit m’est insoutenable. Je commence cette lettre sans savoir si je l’achèverai tant j’ai mal à la tête. Je veux cependant te remercier d’être venu ce matin malgré mon état peu appétissant. Je désire que tu ne te bornes pas à cette visite dont j’ai peu profité vu mes bobos et que tu viennes tous les jours à présent que je vais être guérie. Voilà un bien triste jour de l’an que je viens de passer. J’espère que ce ne sera pas une prophétie pour le reste de l’année car alors il y aurait de quoi donner sa démission de ce monde pour aller voir un peu comment on est dans l’autre. Il est probable que j’aurai mangé mon pain noir au premier service et que j’aurai l’agréable surprise de pain blanc au dernier et de biscuits au dessert. J’espère, l’espérance ne coûte rien.
Aucun des Lanvin n’est encore venu. Claire Pradier s’en va ce soir néanmoins mais si c’est un des hommes qui la ramène à sa pension [1] il ne viendra qu’après le dîner. Le petit Besancenot s’en ira avec elle probablement car la mère, qui ne se prive d’aucune indiscrétion, me l’a envoyé demander tout à l’heure. La chose en elle-même n’est pas très agréable vu la saison et la distance d’ici à la pension, de plus que la petite créature est armée de paquets et marche assez mal ; mais ensuite, la manière d’être de ces gens mal élevés m’est antipathique et ne m’engage nullement à donner un surcroît d’embarras et de fatigue à ces pauvres Lanvina qui ont assez de leur corps et de ma fille à traîner sans y ajouter les Besancenot. Mais en voilà beaucoup trop sur ce sujet. Je t’aime, voilà le fond de la question. Je t’aime malade, je t’aime en bonne santé et je t’aimerai morte pourvu que quelque chose de mon moi survive dans l’autre monde. Aime-moi aussi, toi, et tâche de ne pas venir trop tard. Pense à moi. Je t’aime mon Toto, je t’adore mon petit bien-aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 9-10
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « Lanvins ».

Notes

[1À cette époque Claire, pensionnaire dans un établissement de Saint-Mandé, vient régulièrement rendre visite à sa mère, en milieu ou fin de semaine. Ce sont les Lanvin qui vont la chercher et la ramènent. Quant à l’autre homme dont parle Juliette, son identité reste à élucider. Le vendredi 9 avril au soir et le mardi 4 mai au matin, elle le mentionne à nouveau en l’appelant « le Père la tuile ».

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