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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 mai 1837

3 mai [1837a], mercredi soir, 5 h. 

Quelle bonne journée, mon bien aimé ! Tout à la fois ta bonne lettre [1] et ton adorée petite personne ! Tout le bonheur, toute la joie en un seul jour ! Aussi je suis heureuse comme une bonne femme bien aimée. Il fait un beau temps dans mon cœur. Jamais plus beau soleil n’a luib sur ma vie. Je suis heureuse, je suis très geaie. Vive Toto ! Vive Toto ! Vive Toto ! Si jamais je remonte sur le trône, je promets de récompenser civiquement, civilement et magnifiquement le Sieur Toto Vicomte de Siguenza cogoliondo [2] qui a bien mérité de nous pour tous les services et le dévouement à notre personne impériale et royale. En foi de quoi nous nous plaisons à lui donner ce témoignage de notre gratitude en l’engageant à réclamer de nous en temps opportun le prix dû à son héroïque et courageuse conduite.
L’an 5 de notre règne le 3 mai 1837

Juju

Jour on rit avec vous. Tu ne te [fâches  ? fâcheras  ?] pas ? Y a pas de plaisir alors. Je vous aime d’abord parce que c’est le bonheur de ma vie et la joie de mon cœur que de vous aimer. Je vous aime parce que vous êtes le plus beau, le plus noble et le plus généreux des hommes. Je vous aime parce que vous êtes le plus grand de tous ! et puis enfin je vous aime d’une manière encore plus irrésistible et plus désintéressée, je vous aime parce que je vous aime. « Êtes-vous content ? en avez-vous assez ? et faut-il encore que je mette mon cœur à nu comme je l’ai fait de l’autre chose ce matin, parce que je suis femme et que vous représentez ici l’homme le plus curieux de tout l’univers ? Oh je trouverai moyen de me venger de tout ce que vous ne me faites pas dire, allez  » [3], car ça m’étouffe et que j’en ai plus gros sous le cœur que le Panthéon l’indigeste mémoire. Je vous aime sept cent mille de fois plus que vous ne me donnez l’occasion de vous le prouver, et vous êtes un vieux Toto et moi une jeune Juju pleine d’ardeur et de férocité, ce qui fait que je vous baise à tous les endroits que vous avez oubliés dans mon individu femelle.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 123-124
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) Le millésime est ajouté d’une main différente, sous la date.
b) « luit ».

Notes

[1Voir la veille sa première réaction à la lettre que Hugo lui a écrite dans la nuit du 1er au 2 mai.

[2Le général Hugo aurait reçu du roi Joseph Bonaparte le titre de comte Hugo de Cogolludo y Sigüenza. Le jeu de mots sur le patronyme assimile Victor Hugo à un lion (forcément « superbe et généreux »).

[3Juliette Drouet se plaît à varianter ici, en jouant sur certaines inversions, une réplique de la reine dans Marie Tudor (Journée III, Partie I, Scène 4) : « Eh bien ! est-ce que vous ne comprenez pas ce que cela signifie, monsieur ? est-ce qu’il faut tout vous dire, et qu’une femme mette son cœur à nu devant vous, parce qu’elle est reine, la malheureuse, et que vous représentez ici le prince d’Espagne mon futur mari ? […] chez une femme, le cœur a sa pudeur comme le corps. Hé bien oui, puisque vous voulez le savoir, puisque vous faites semblant de ne rien comprendre, oui, je remets tous les jours l’exécution de Fabiani au lendemain […] parce que je suis femme, parce que je suis faible, parce que je suis folle, parce que j’aime cet homme, pardieu ! – En avez-vous assez ? êtes-vous satisfait ? comprenez-vous ? Oh ! je trouverai moyen de me venger un jour sur vous pour tout ce que vous me faites dire, allez ! ».

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