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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 mars 1848

27 mars [1848], lundi matin, 9 h. 

Bonjour, mon grand et sublime bien-aimé, bonjour, mon Roi, bonjour, mon divin adoré, bonjour avec ce que j’ai de plus admiratif, de plus noble et de plus pur dans le cœur, bonjour, gloire et bonheur à toi. Je voudrais baiser tes pieds en signe de respect et de vénération. Je voudrais mourir pour le triomphe d’une de tes seules paroles. Je t’aime, je te bénis, je t’admire, je t’adore. Quand je pense qu’au milieu de tant de graves préoccupationsa tu trouves le temps de penser à la pauvre femme obscure dont tu es la vie, je n’ai pas assez de tout mon cœur et de toute mon âme pour te remercier et pour t’aimer. Je voudrais qu’il fût déjà l’heure de te voir, il me semble que j’ai des torrents d’amour et de reconnaissance en moi qui ne pourraientb pas attendre jusqu’à tantôt pour s’épancher. Je suis impatiente de te donner en paroles, en regards, en baisers, en douceur et en caresses tout le trop plein de mes pensées, de mon cœur et de mon âme. Tâche que ce soit bientôt car je t’aime plus que plein moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 125-126
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « préocupations ».
b) « pourrait ».


27 mars [1848], lundi après-midi, 1 h. 

Le tambour passe et repasse au bout de ma rue, les curieux sont aux fenêtres, Suzanne abandonne son balai pour courir après les nouvelles. Moi, pendant ce temps-là, je pense à toi, je t’écris, je t’aime et je te désire. Rien n’existe pour moi que ce qui te touche, rien ne m’intéresse et ne m’émeut que pour toi, je n’admire rien qu’à travers toi et en toi, je n’aime rien que ce qui te plaît et je n’adore que toi. Le reste m’est indifférent ou n’existe pas.
À propos d’existence il paraît que tout ce hourvaria, tous ces tambours et toute cette agitation ne sont que pour rendre les derniers honneurs à un vieux mort. Le citoyen [CASENAVE  ?], médecin qui demeurait au bout de la rue Sainte-Anastase. C’est Suzanne qui accourt me dire cela avec des cris d’admiration pour ces magnificences funéraires. J’ignore quels sont les titres de ce vieux bonhomme à la reconnaissance de la République mais d’avance je leur donne mon adhésion. Qu’on honore les morts tant qu’on voudra et comme on voudra, je ne m’y oppose pas pourvu qu’on ne fasse pas crever les vivants par des diètes et des peurs trop prolongées. En attendant je vis par toi, en toi et pour toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 127-128
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « ourvari ».

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