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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 août [1847], dimanche matin, 7 h. ½

Bonjour, mon pauvre bien-aimé, bonjour cher petit malade, bonjour comment allez-vous ce matin ? J’espère que le symptôme qui te tourmentait cette nuit a disparu et que tu n’as à craindre aucune complication malheureuse à cette trop sérieuse maladie. Et puis, comme tu le dis, la violence du mal est en raison même de la force du malade, ce qui fait que notre cher petit Toto en sera quitte comme d’une maladie ordinaire [1]. Je ne suis pas la seule à le souhaiter mais nul, pas même toi, mon âme, ne peut le désirer plus ardemment que je ne le fais. Un des supplices de ma position, c’est de ne pouvoir pas vous consacrer mes soins à tous et d’être forcée d’attendre dans l’inaction les nouvelles qui m’intéressent le plus. Aujourd’hui je vois avec frayeur la longueur de la journée, qui sera multipliée à l’infini par mon inquiétude. Cependant je sens bien que le bon Dieu ne peut pas vouloir te désespérer et que ton cher enfant ne court aucun danger. Mais j’ai besoin de te voir encore plus quand tu es triste que lorsque tu es heureux. Aussi si tu peux t’échapper un moment dans la matinée pour me dire des nouvelles de la nuit tu me rendras bien heureuse, pour peu que mon espoir se soit réalisé et que ton cher petit Toto ait bien dormi. D’ici là, je ne pourrai pas détacher ma pensée de vous tous. Je sens que tout mon être se tourne vers vous sans que rien puisse faire diversion à cette préoccupationa. C’est que tu es ma vie plus que l’air, plus que tout ce qui la compose matériellement. Tu es mon âme et mon amour.

Juliette

MVH, α 7969
Transcription de Nicole Savy

a) « préocupation ».


29 août [1847], dimanche après-midi, 2 h. ½

Je sais bien, mon pauvre adoré, qu’il faut que cette hideuse maladie ait son cours, et qu’il est impossible d’espérer la guérison du soir au matin. Mais je sais trop aussi qu’il peut survenir d’une heure à l’autre des symptômes plus alarmants et c’est ce qui me tourmente et me rend si malheureuse en t’attendant. J’ai beau me raisonner et appeler à mon aide toute ma confiance en la bonté de Dieu, je ne peux pas triompher entièrement de mon inquiétude. Pourvu encore que tu puissesa venir m’embrasser et me donner du courage ? Si j’avais vu Joséphine aujourd’hui je l’aurais envoyé savoir des nouvelles de ce cher enfant. Mais je ne l’ai pas vue et j’en suis à t’attendre avec toutes sortes de douloureuses impatiences. Cependant je sais bien qu’il faut que tu sois auprès de ton bien-aimé malade, et je serais toute prête à lui faire le sacrifice du pauvre petit moment de bonheur que tu as l’habitude de me donner dans la journée si j’étais sûre qu’il va bien et que rien d’alarmant n’est survenu depuis cette nuit. Mon égoïsme s’arrête à ta chère famille et j’aimerais mille fois mieux mourir que d’être cause d’un nuage dans votre sainte maison. Tu le sais bien, n’est-ce pas mon adoré ? Tu sais que tous ces liens me sont aussi chers et aussi sacrés qu’à toi, et que toutes vos joies et toutes vos douleurs sont mes joies et mes douleurs ? Tu comprends alors mon impatience et mon serrement de cœur en t’attendant.

Juliette

MVH, α 7970
Transcription de Nicole Savy

a) « puisse ».

Notes

[1François-Victor Hugo a contracté la typhoïde. C’est lui qui est malade et non son père, comme les premières phrases de la lettre pourraient le laisser penser.

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