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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 5 décembre 1856, vendredi soir, 4 h.

Je suis dans de profondes ténèbres, mon pauvre petit homme, et je te donne mon cœur à l’aveuglette, en attendant que Suzanne m’apporte de la chandelle. J’ai eu la visite de la mère Allez qui a reconnu la nécessité de faire toucher les toiles du luk-coot. Quant à la mucreur [1] des murs, elle prétend que ce n’est rien et que cela passera, mais je n’en crois rien, parce que ce serait déjà fait depuis longtemps puisque ce sont d’anciens plâtrages. Du reste, l’âpreté de la bonne femme ne nous promet pas poire molle [2] pour l’avenir. Quelle Harpagona et quelle différence avec l’honnête laisser-aller de cette excellente Mlle Boutillier ! Je tâcherai d’avoir affaire le moins possible à cette vieille rapace car rien ne me sera plus antipathique. En attendant, mon cher adoré, et en dehors de notre badinage de brocanteurs, je mets très sérieusement ma garniture de lit à ton service, s’il suffit à compléter la tenture de ton salon rouge. Autrement, je crois qu’il vaut mieux que je la garde, cette garniture, puisqu’elle est toute appropriée et toute posée. Ainsi, mon cher adoré, de toute façon, je serai contente, soit que tu la prennes ou que tu me la laissesb. Maintenant, baisez-moi et venez vous chauffer à mon feu et à ma flamme.

Juliette

Bnf, Mss, NAF 16377, f. 276
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette

a) « Arpagon ».
b) « laisse ».

Notes

[1« Mucreur » : humidité.

[2« Ne pas promettre poire molle » : menacer.

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