11 septembre 1873

Paris, 11 septembre [18]73, jeudi matin, 8 h.

Je pensais que tu étais déjà levé depuis longtemps, mon cher bien-aimé, et je suis allée pour te souhaiter le bonjour en chair et en os, comme feu Saint Amadour [1], et te porter en même temps la copie en double des numéros d’ordre des trente-cinq actions au porteur. Tu garderas celle des deux qui te paraîtra la moins défectueuse et la plus intelligible ; car ma main, comme mon intelligence, tremblent et vacillent à tous les vents. Je remarque que ces actions depuis quelque temps te donnent beaucoup de tablature. Heureusement que tu peux faire face à tout sans en être autrement troublé ou fatigué. J’ai appris hier de M^me Charles qu’elle rentrerait à Paris avec Victor [2] à la fin de septembre. Je t’en avertis pour que tu ne sois pas pris de court et moi non plus si tu veux revenir en même temps qu’eux. Il y a diverses choses à faire pour approprier ce qui sera ta chambre momentanée. Il faudra t’occuper de ton lit et de celui de Mariette et des approvisionnements du chauffage. Il va falloir aussi prendre un parti pour Suzanne dont le service effectif se fait de plus en plus sentir. Il s’agit donc de prendre un parti, chose plus difficile qu’on ne croit. Je t’en parlerai à déjeuner, si tu as le temps de m’entendre. En attendant je vais faire une nouvelle tentative pour te voir tout à l’heure mais dès à présent je te donne ce que j’ai de meilleur en moi : l’amour.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 265
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette