27 mars 1873

Guernesey, 27 mars [18]73, jeudi matin, 7 h. ¾

Merci, mon cher bien-aimé, de m’avoir donné la bonne mesure de mon premier bonheur du matin en restant, avec intention, je l’espère, un peu plus de temps que d’habitude. Merci, merci, sois béni, je t’adore. Je n’ai pas pensé en rentrant dans ma chambre à regarder quelle heure il était ; mais, peu importe, comme dit le citoyen Marquand, si tu as bien dormi toute la nuit comme je le désire.
Il fait encore bien beau temps aujourd’hui, mon doux adoré, quel bonheur si tu pouvais avoir une bonne petite lettre collective de ton petit Victor [1], de ton Petit Georges, de ta Petite Jeanne et de sa maman. Je sens quelle joie ton pauvre cœur éprouverait^a à être tendrement trépigné par ces^b chères petites pattes de mouche du bon Dieu. Si ma prière fervente était écoutée par lui, bon Dieu, tu aurais un courrier complet de tous ces chers êtres adorables et adorés ce matin même. Oh ! S’il ne fallait qu’aller les chercher comme je te prierais, comme je te supplierais d’y aller sans attendre une minute de plus pour les ramener tous sous ton toit^c protecteur, véritable lieu d’asile sanctifié et sublime où ceux qui s’y réfugient sont à l’abri de tout mal et deviennent les sacrés de la vie. Chaque fois que cette pensée me vient, c’est-à-dire tous les jours, il me prend des envies de courir après tes chers enfants, ton orgueil, ta joie, ton amour et ton bonheur et de te les apporter poings et ailes liés en te disant : tiens prends-les et garde-les !

BnF, Mss, NAF 16394, f. 83
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

a) « éprouverais ».
b) « ses ».
c) « toît ».